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En avril 2013 Douville's Jazz Radio c'est aussi : "April In Paris", "On The Sunny Side Of The Street" et "Shake It And Break It"
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Appel collectif de soutien à Elisabeth Roudinesco
Nous soussignés, dénonçons les propos tenus à l’encontre d’Elisabeth Roudinesco par Jacques-Alain Miller dans son blog du 7 mars 2013 ainsi que le nouveau procès qu’il lui intente aujourd’hui en tant que présidente de la Société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse (SIHPP) à propos de « l’affaire Mitra Kadivar », du nom de cette femme qui a été hospitalisée à Téhéran. Elisabeth Roudinesco est une grande historienne qui tient avec succès un séminaire à l’Ecole normale supérieure, et dont l’oeuvre est connue dans le monde entier. Elle a toujours relayé les demandes de soutien pour aider les psychanalystes, psychiatres et intellectuels persécutés dans leur pays (notamment Rafah Nached et Raja Benslama). Et rien n’indique qu’il s’agisse dans l’affaire Kadivar d’une telle situation. De nombreux témoignages produits par des psychiatres iraniens sont là pour en attester. L’utilisation de procédures judiciaires et d’insultes en lieu et place du débat intellectuel est indigne d’une société démocratique. Nous appelons tous les psychanalystes, psychiatres ainsi que toutes les personnes qui se sentent concernées à signer cet appel de soutien à Elisabeth Roudinesco.
Signer cet appel ici:
Un commentaire est lisible ici :http://savatier.blog.lemonde.fr/2013/04/02/la-psychanalyse-entre-debats-et-proces/
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Pour un oiseau; Charlie "Bird" Parker par Olivier Douville
La musique de Charlie Parker est probablement celle qui a exercé l'influence la plus décisive sur le jazz depuis plus d'un demi-siècle. Cette musique qui se nomme Be-Bop, par onomatopée dérivée, semble-t-il d'une figure rythmique, est élaborée par Charlie « Yarbird » Parker et John Birks « Dizzy » Gillespie et elle est préparée par tout un groupe de musiciens qui, sous le signe de la compétition et de la stimulation, inventent un autre langage à Harlem au cour des années 40.
Jusqu'en 1940, aux USA, le jazz est surtout pensé et vécu, et vendu, comme une musique de danse, la guerre, avec l'interdiction de danser dans les cabarets va changer la donne du jazz et inciter aussi à ce que se développent des expérimentations entre musiciens et « pour » musiciens. Un des laboratoires majeurs de ces innovations est le club du saxophoniste Teddy Hill : le Minton's Playhouse. Ce musicien est une figure du Jazz, et il en est, déjà, une part de sa mémoire alors que Be-bop perce à peine sous le swing. Hill fit ses classes avec le père du piano harlémite, James P. Johnson, et en la compagnie du vieux complice de King Oliver et de Louis Armstrong, le pianiste Luis Russel, avant de passer à la tête d'un grand orchestre qui mena D. Gillespie en France jouer à Paris, au Moulin-rouge, et enregistrer ses premiers solos en 1937. Au tout début des années 40, Hill, maître de cérémonies de son propre club, fait la part belle aux jeunes talents qui se précipitent chez lui. Charlie Christian invente la guitare électrique qu'avaient déjà frôlée les doigts d'Eddie Durham chez Lunceford ou de Floyd Smith chez A. Kirk, Thelonious Monk se cherche et se trouve, Kenny Clarke, Joe Guy sont encore du nombre, et souvent, après le travail, tard la nuit, les anciens s'invitent et se défient. Don Byas, Chu Berry, Coleman Hawkins, Roy Eldridge et Lester Young lui-même se toisent, se provoquent et s'écoutent. Tous, ils s'inventent une actualité qui, pour certains dont Hawkins, futur sideman de Monk, Miles, Coltrane et Rollins, ne les quittera jamais plus. Ils inventent leur « fighting days », lèvres au vif des anches des saxophones et des embouchures des trompettes. Et c'est à chaque fois l'heure de vérité. De pauvres magnétophones installés là par J. Newman ont retranscrit la vie foisonnante de ce laboratoire unique, à partir de ces installations de fortune, des disques, maintenant CD, portent jusqu'à nous les traces étouffées de flots d'improvisation qui sidèrent encore, tant ce qui jaillit semble déjà une écriture gorgée de générosité et pliée par une rigueur conquérante. Lors de ces sessions « after-hours » les vieilles et belles ficelles du swing, déjà académiques, ne servent plus à grand chose. Chacun s'avance avec sa voix, son phrasé, son articulation, et chacun, exténuant les vieilles formules harmoniques, découpant les anciens thèmes standards, transcendant les anciens soutiens rythmiques confortables, intangibles et presque usés, sait qu'il s'installe dans un ailleurs qu'il anticipe.
C'est dans cette atmosphère urgente d'amarres larguées et de paysages neufs que se crée, contre le show-business, la première révolution de la musique noire américaine. Surgissent des gammes par tons, des accords de passage qui infiltrent des compositions nouvelles ou qui permettent la reprise et la réécriture de thèmes anciens ; les quatre temps réguliers de la batterie sont désormais confiés à la grande cymbale ride, caisses grosses et claires, toms aigus et bases, servent, eux, à des ponctuations, la cymbale charleston marquant les temps faibles (2° et 4° temps). C'est ce que K. Clarke a inventé faisant de la batterie un instrument mélodique, audace que des batteurs proches de l'aventure parkérienne comme Blakey, Rich ou Roach pousseront au plus loin.
À Charlie Parker, qui reste pour de nombreux critiques et musiciens le plus grand improvisateur du jazz, prestidigitateur qui est capable de faire surgir un thème, de le dérober et de le restituer avec une fièvre, un lyrisme et une densité peu commune, on doit des innovations rythmiques décisives. Qu'y – a-t-il dans cette musique, dans ces solos de saxophone alto (très rarement on entend Parker au saxo ténor) ? Un sens majeur de la composition, et un chant. Un chant qui ne pouvait être que celui d'un musicien de jazz noir dans la seconde moitié du vingtième siècle. Et plus que cela encore. Un chant qui s'enchante, qui coalise les bruits de la ville, les cris des enfants spoliés, les refuges que le gospel offre à l'espoir, les fables et les chroniques que les bluesmen se refilent. Et une activité : mentale d'écriture, activité de plus en plus prenante pour Parker, et qui transcende l'héritage sans le renier jamais.
Nul « souffleur » avant lui n'a su mettre en valeur, en tant qu'élément constituant du discours, la valeur brève (croche ou double-croche), nul n'a su exploiter avec autant de justesse et de sens de la progression les différences de valeur entre les notes. Parker, il est vrai, appartient à une autre génération que celle des premiers fondateurs, et il peut circuler un peu moins rudement dans divers monde sociaux et esthétiques, quoique la ségrégation montre encore partout son masque de chien. La musique classique le soucie puis l'enchante et le met au travail. Vaste est la culture musicale de Parker, bien qu'il ait quitté l'école à 14 ans. Sa sensibilité profonde le porte aussi à entendre et étudier ce que les musiciens européens d'« avant-garde » créent alors. Il aime Hindemith, au point que sa fille Pree fut inhumée aux accents de la Petite Musique de ce compositeur, vénère Stravinsky et se passionne pour Varèse.
Qui donc était C. Parker ?
Nous sommes à Kansas City (Kansas). Le père, Charles Christopher Parker joue du piano danse et chante dans les théâtres de « Vaudeville » (rien à voir avec Feydeau ce ne sont que l'équivalent de nos Cabarets). La mère, Addie Boyley, a 17 ans lorsque Charlie vient au monde, en 1920. Le ménage a déjà un enfant, John dit Ikey, fruit d'une liaison que le père eut avec une Italienne, lorsque naît Charlie La naissance de l'enfant est un tracas supplémentaire. Il sera confié à la Charles Summer Elementary School où il se conduit de la plus policée des façons. À huit ans, il sort de cette école et travaille, il aide à la cuisine dans des wagons-restaurants. De retour chez lui, il entend les grands disques « noirs » de l'époque, ceux donnés à la cire des 78 tours par les jazzmen Louis Armstrong (qui a gravé ses chefs-d'œuvre avec le pianiste Earl Hines), et Duke Ellington (qui, avec le trompettiste Bubber Miley, le tromboniste Joe Nanton et, déjà, les souffleurs Barney Bigard et Johnny Hodges, invente un style de grand orchestre complètement original dit « jungle ».)
Addie fait des économies, les études reprennent dans des établissements à compétence réduite, réservé aux seuls noirs. Charlie s'ennuie. Il se meut en cancre méthodique, ses intérêts dispersés se coalisant vers une seule passion : la musique. Charlie joue du tuba dans la fanfare de son école. L'instrument l'écrase un peu. Une partie des économies maternelles file dans l'achat d'un saxophone alto, plus maniable, plus seyant, de fabrication française, datant de la toute fin du 19° Siècle. Et c'est déjà la vie nocturne. L'adolescent se grime en adulte, se drape dans un trop long manteau, enfonce un chapeau sur ses yeux, se pique aux lèvres une cigarette, et s'évade aisément de la tutelle maternelle, Addie ayant trouvé un emploi de nuit. À Kansas-City, disait Mary-Lou Williams « on n'a pas le temps d'être égoïste » -Mary-Lou Williams la pianiste qui tient alors le clavier dans l'orchestre d'A. Kirk dont elle était le cœur et la mascotte et qui, à la fin de sa vie, a enregistré un duo avec le pape du piano free-jazz, C. Taylor. La vie n'y est pas tendre pour autant. La sélection sociale est raide. La drogue circule. Mais la cité crépite de musique. Count Basie ici, Andy Kirk, là, et encore Bennie Moten. Charlie obtient un emploi dans la formation du pianiste B. Channings. Il a 15 ans. Quelques mois plus tard, au Reno Club, c'est un tout jeune musicien qui vient se frotter aux grandes gloires de l'orchestre de Basie. Il est sûr de lui, croit maîtriser son instrument et a décortiqué sans relâche avec le pianiste Carrie Powwel les solos enregistrés du grand Lester Young, alors chez Basie. Il se jette à l'eau. L'orchestre joue I got Rhythm, de Gershwin. Que se passe-t-il ? Décalage entre les tonalités, mal perçu par l'altiste débutant ? Il joue comme un boxeur, comme un damné, comme un qui souffle dans son saxo pour une seule fois, une fois dernière, une ultime fois encore, et qui ne sait construire sa progression, encore mois amorcer une conclusion. Un fracas alors arrache de sa lèvre fusionnée empourprée d'impatience, le bec de son instrument. Joe Jones, le batteur de Basie et donc le batteur des batteurs, le maître des tambours de tout le continent jazz de cette époque, Joe Jones, donc, du gros bout de sa baguette, frappe un coup violent sur la cloche de sa cymbale. Fin du round. Humiliation. Courte retraite. Charlie n'avait pas encore accouché de Parker.
Par la suite la progression fut rapide, vertigineuse. Les obstacles innombrables s'accumulent aussi, des emprisonnements pour rixes ou usages de stupéfiants, des vexations ségrégatives qui poussent tant de musiciens à se convertir à l'islam ce qui leur permet d'écrire « muslim » en place de « black » sur leurs papiers d'identité. Des points d'accueil aussi, intercommunautaires, et qui voient Charlie Parker jouer dans les Bar Mitzvah new-yorkaises en compagnie du batteur P. Joe Jones (rien à voir avec le batteur de Basie), lequel apprend ainsi rapidement à parler un peu de yddish – mais, remarque incidente : vous connaissez beaucoup de batteurs qui ne soient pas doués pour les langues, ? Des gags : ainsi, en tournée dans le sud profond, ce Deep South des USA, pour permettre à son trompettiste blanc Red Rodney de loger dans les mêmes hôtels que le reste de l'orchestre, Parker prétend-t-il, face aux tauliers surpris ou bluffés que Rodney est un… noir albinos. J'ai personnellement rencontré Rodney à New-York, il y a longtemps de cela alors qu'il jouait au Five Spots avec Cécil Payne et il m'a confirmé cette semi-légende, en en riant encore.
Quant à la musique, il faut reconnaître que Parker seul n'a pas fondé le be-bop. Il y eut aussi Dizzy, sa faconde, sa rigueur professionnelle, son intelligence rythmique incomparable, son goût pour ce qu'on nomme aujourd'hui sottement la « world music ». Dizzy qui bien plus que Parker (lequel a tout de même joué et enregistré avec Machito) a offert le be-bop à la musique latine, et la musique latine au be-bop, faisant jouer au clair jour ces franges cubaines qu'avaient déjà ourlé chez Clarence Williams le flûtiste E. Soccaras, et, surtout, chez Cab Calloway le trompettiste et arrangeur Mario Bauza. Dizzy, intelligent, exubérant, « marxbrothertien », au point que certaines oreilles mal aérées n'ont pas ressenti sa sensibilité, sa pudeur et son lyrisme (et pourtant I remember Clifford à Newport, en 1958, tirerait des larmes à n'importe quel pape allemand.) Dizzy, enfin, qui sut intégrer dans son orchestre les percussions cubaines. On dit encore, non sans frissonner dans le Spanish Harlem, et dans l'île de Cuba aussi, peut-être, que son percussionniste d'exception Luciano Pozo y Gonzales, né à la Havane, serait mort assassiné à New York pour avoir fait usage lors de l'enregistrement des deux faces 78 tours du big bang de Gillespie, Cubana-Be, Cubana-bop, à la fin des années 40, des figures rythmiques secrètes du vaudou ou du candomblé. Dizzy, le trompettiste, est, en jazz, l'explorateur et le poly rythmicien le plus complet qui soit avec les batteurs Kenny Clarke et Max Roach
Le parcours de Parker semble plus rectiligne, plus ancré dans la tradition. Du moins son apprentissage se fait-il dans les grandes formations, Mac Shann, où il apprend le blues, Hines où il rencontre d'autres jeunes turcs, Noble Sissle chez qui il ne reste pas - ce dernier un vieux de la vieille c'est bien le même que celui qui a hébergé Sidney Bechet et inscrivait autrefois à son programme une pièce très swing comme les Lamentation deThaïs d'après Massenet !
Mais ce qu'il y a de plus sidérant chez Parker est qu'une fois le jeune impétueux qu'il était, maté et dégrossi, il donne dès ses premiers solos enregistrés le sentiment et de produire quelque chose de radicalement neuf et d'être saisi lui-même, tourmenté par la nouveauté de ce qu'il produit et dépendant de ce dialogue avec lui-même. Pris, dans une lutte avec une musique intérieure qui le fait parfois dédaigner l'instrument sur lequel il joue, Parker, à la différence de Gillespie et de près de 90 % des jazzmen, ne prend pas grand soin de ses instruments. Il préfère, à l'occasion, jouer su l'instrument qui se trouve là. Mon ami K. Clarke me confiait un aspect exceptionnel qui l'avait frappé d'abord chez Parker : ce sentiment d'une urgence d'être accaparé par sa propre musique, concerné par son réel dont il se sentait souvent plus le secrétaire et le dépositaire que l'auteur.
Souvent lorsque nous lisons sur Parker, lorsque nous entendons parler de lui, reviennent au premier plan des mentions de la drogue. Charlie Parker est un des hommes les plus drogués qui puissent se concevoir. Mort à 35 ans, les médecins, lui donnent alors au moins un quart de siècle de plus d'âge. Et ce génie énigmatique, jamais sobre, triple vraiment les doses, par mélancolie, à la mort de sa fille Pree.
Le raccordement de Parker au monde a toujours été problématique. D'où être ce nom de « Bird ». Des esprits inconvenants ne manqueront pas à faire ici de la psychobiographie dite « psychanalytique », de mettre en lien la musique et la drogue. Les charlatans ne manquent pas à officier en ce sens. Il y a dans ces médiocres entreprises que beaucoup ne manqueront pas d'entreprendre, un peu de jalousie rétrospective et un peu de police des mœurs aussi, ce ravalement de l'idéal ascétique.
Ce n'est pas ça qui importe pour comprendre ce que nous a laissé Parker, l'homme qui citait si volontiers Les Quatrains d'Ommar Khayyâm, ce poète ivre de vin et de cieux (il était aussi astronome). Pour situer ce que Parker nous donne toujours, encore faut-il l'entendre. Il y a pour cela les disques pour les firmes Savoy, Dial et Verve, le concert canadien à Massey Hall avec Mingus, Powell, Dizzy. Ce soir-là si la nuit de Parker nuit devenait irrémédiable, dans le jeu de ses compagnons il faisait jour encore.
Aujourd'hui, déchirant les lumières des étoiles monotones, des façons routinières, et logé dans les sites familiers du blues, jusqu'au sanglot, Bird est libre et nous rend libre. L'oiseau vole maintenant en des cercles plus vastes avec les trompettes argentines de Dizzy, de Fats Navarro, de Mc Ghee, et la trompette cuivrée de Miles, et celle, feutrée, de Chet Baker, avec les arpèges de Bud. Et fières toujours sont les cymbales, et profonds les tambours de Max Roach et de Kenny dont le surnom « Klook » fit syncope du nouveau rythme, dans le nouveau monde Bop. Tous ont joué avec lui, tous par lui ont été rendus au plus près de leur propre musique.
Louis Armstrong, inventeur du soliste de jazz et petit-fils d'esclave eut, parlant des bluesmen et des musiciens de jazz, cette phrase décisive : « Nous faisons partie d'un ordre secret ». Et, pour qui écoute le cœur de cette musique qui bat du Snake Rag de King Oliver (1923) aux récents disques de David S. Ware, pour qui, affranchi des menus repérages muséographiques, écoute cette généalogie de « passeurs » qui ont fait le jazz – et partant, notre modernité-, Parker continue parce qu'il fait rupture, reprend parce qu'il invente, forge sa fidélité par ses audaces, établit sa continuité par sa nouveauté irréductible. Un bricoleur de son terrifiant avec trois couples d'harmoniques et un buisson de triple croche d'avance, c'était l'idée qu'on se faisait de lui, chez les critiques tenants du vieux-style qui commençaient à peine à s'acclimater à la musique de Lester Young. Aujourd'hui une éternité, où rit et fulgure l'esquif de son style, éclaire le tout de la musique afro-américaine.
Bird Lives !
Olivier Douville
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Thierry Savatier: "LA PSYCHANALYSE ENTRE DÉBAT ET PROCÈS"
LA PSYCHANALYSE ENTRE DÉBAT ET PROCÈS
par Thierry Savatier (repris du bloc de M. Savatier)
du forum au prétoire

envie de pénal
La judiciarisation de la société s’étend désormais au débat d’idées sous les prétextes les plus futiles. Faut-il y voir la transposition, dans l’intelligentsia, de cette « envie de pénal » qu’avait théorisée Philippe Muray ? La réalité est sans doute plus subtile, mais aussi plus perverse. En effet, l’arsenal juridique, lorsque son objet est dévoyé de ses intentions premières, sert moins à obtenir des sanctions pénales que des compensations pécuniaires. Pire encore, les demandeurs, lorsqu’ils en ont les moyens financiers, assignent à l’envi (même s’ils sont conscients qu’ils seront déboutés devant la faiblesse de leurs accusations) tous les intrépides qui n’ont pas l’heur de leur plaire. Leur but réel n’est en effet pas tant de gagner un procès que de museler toute expression contraire à leur opinion en asséchant financièrement leurs adversaires. Car la Justice coûte cher aux assignés, en déficit d’image parfois, en honoraires d’avocat toujours.
la psychanalyse devenue le théâtre d’assignations à répétition
Les groupuscules puritains, rebaptisés « association familiale, » sont passés maîtres dans cet art de censurer sans le dire, en attaquant pour « pornographie » créateurs et commissaires d’exposition dès que le sujet traite d’érotisme, afin de les dissuader d’organiser de nouvelles initiatives. Dans le domaine des idées, on se demande si d’autres ne tenteraient pas de suivre cette voie. La psychanalyse, par exemple, est devenue aujourd’hui le théâtre d’assignations à répétition. Il y eut le procès intenté par Judith Miller à Élisabeth Roudinesco pour un court passage de son essai Lacan envers et contre tout (dont il fut question dans ces colonnes), suivi d’un autre, intenté par trois psychanalystes de l’École de la cause freudienne présidée par Jacques-Alain Miller, contre Sophie Robert, auteure d’un documentaire sur l’autisme intitulé Le Mur.
Aujourd’hui, une nouvelle assignation pour « diffamation publique », cette fois diligentée par Jacques-Alain Miller, vise Élisabeth Roudinesco, Henri Roudier et Philippe Grauer, tous membres d’une société savante respectée (Société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse, SIHPP), suite à la publication d’articles dans leur bulletin et sur le site internet du CIFP (Centre interdisciplinaire de formation à la psychothérapie relationnelle). Pour comprendre le sens de cette assignation, il convient de la replacer dans son contexte.
de bonne foi signèrent
Le 5 février dernier, une pétition fut lancée par M. Miller (et l’inévitable Bernard-Henri Lévy…), appelant à la « libération » de la psychanalyste iranienne Mitra Kadivar, admise le 24 décembre précédant dans un établissement psychiatrique de Téhéran. Cet appel fut relayé par des articles de presse et des interviews où cet enfermement était présenté comme une sanction politique du pouvoir théocratique iranien à l’encontre d’une thérapeute gênante ; il y était question de traitement forcé, voire de la menace d’électrochocs ; quant aux psychiatres (pourtant laïcs), ils semblaient s’apparenter à de simples geôliers à la solde du pouvoir. Le sombre souvenir des internements psychiatriques de l’époque soviétique pouvait à bon droit émouvoir le monde intellectuel. Et l’ombre d’Antonin Artaud planait sur l’assimilation (fallacieuse) de la sismothérapie à une torture. C’est pourquoi, outre les habituels signataires compulsifs qui ne résistent jamais à apposer leur paraphe dès qu’ils sont sollicités pour avoir l’illusion d’exister, de nombreuses personnalités de bonne foi signèrent cette pétition où l’on retrouve Philippe Sollers et Julia Kristeva, mais aussi, pour une fois côte à côte, Jean-François Copé et Jean-Luc Mélenchon.
se renseigner avant de se prononcer
D’autres intellectuels, d’autant plus appelés à se joindre à cette initiative qu’ils avaient déjà lutté dans le passé contre des internements abusifs, préférèrent se renseigner avant de se prononcer. Sage décision apparemment, car il résulte de plusieurs témoignages sérieux et concordants que le docteur Kadivar ne fut pas victime d’une sanction politique, mais d’une hospitalisation consécutive aux plaintes des voisins de son immeuble, et relative à un épisode psychotique qui motiva une décision de justice. Plusieurs psychanalystes et psychothérapeutes iraniens confirmèrent ces faits et les griefs (agressivité verbale, problèmes d’hygiène, nuisances phoniques, pneus de voitures de voisins crevés, etc.) d’un voisinage déjà inquiet du projet annoncé par Mitra Kadivar d’ouvrir un centre pour toxicomanes à son domicile.
peu convaincant
Pour justifier le bien fondé de sa pétition, Jacques-Alain Miller a publié l’ensemble de sa correspondance avec la psychanalyste iranienne et d’autres interlocuteurs, dont le psychiatre qui la soignait à l’hôpital. Ce document de 68 pages (que l’on pourra consulter ici), écrit en français et dans un anglais parfois de cuisine, peine toutefois à prouver la réalité d’un internement politique. Tout commence le 12 décembre 2012, par un courriel de Mitra Kadivar à Jacques-Alain Miller, l’informant du projet de l’envoyer dans un hôpital psychiatrique sur décision d’un magistrat. L’échange se poursuit jusqu’au 24 décembre, date de l’hospitalisation. Il résulte du reste du dossier que la patiente bénéficia d’égards particuliers : une chambre VIP, un accès à Internet, le loisir de communiquer vers l’extérieur par téléphone et courriel, enfin les visites quasi quotidiennes d’amis. Rien, dans ces informations, ne trahit un enfermement arbitraire, lequel, comme à l’époque soviétique, se caractérise toujours par l’isolement de la personne visée. Quant aux électrochocs, ils ne sont évoqués dans un courriel qu’à travers une « crainte » exprimée par la patiente, aucunement comme une proposition de ses médecins ni, naturellement, comme une menace.
"complot" de ses voisins, non de l’État

"complot" de ses voisins, non de l’État
Par ailleurs, la lecture des courriels apporte un éclairage surprenant sur la personnalité de la psychanalyste, laquelle refuse que son cas soit évalué par des psychiatres – leur préférant « un psychanalyste de rang supérieur » – et crie au complot dirigé contre elle. Complot de ses voisins, non de l’État. Elle dit d’ailleurs avoir obtenu l’aide du « ministère de l’Intelligence » (ministère de la sécurité nationale et du renseignement) afin d’ajourner son internement, ce qui, pour le premier observateur venu, discrédite sans ambigüité la version d’une sanction politique puisque les services de renseignement iraniens sont directement placés sous l’autorité des plus hautes instances du Gouvernement.
étonnante mégalomanie
En outre, le 21 décembre, le docteur Kadivar s’emporte sans raison apparente et dévoile une étonnante mégalomanie : « Et surtout ne me comparez pas avec Rafah Nached que vous avez élevée au rang de psychanalyste en une nuit, s’il vous plaît. Depuis la mer Noire jusqu’à la mer de Chine, je suis la seule et vous le savez mieux que personne. » Sur le premier point, l’intéressée a raison : Rafah Nached fut arrêtée, inculpée sans fondement d’« activités susceptibles d’entraîner une déstabilisation de l’État » et jetée en prison dans une cellule commune qu’elle partageait avec une trentaine d’autres femmes en septembre 2011. Elle ne fut libérée sous caution dans le cadre d’une « amnistie » qu’au bout de deux mois. Les deux cas n’ont donc rien de comparable. Le Quai d’Orsay ne s’y est d’ailleurs pas trompé, puisqu’il intervint pour demander la libération de la psychanalyste syrienne, mais (sans doute bien renseigné) refusa de s’impliquer dans l’affaire Kadivar. Quant au second point, il révèle un narcissisme que confirmeront d’autres courriels, desquels il ressort que Mitra Kadivar ne reconnaît aucune compétence aux médecins et psychiatres chargés de la soigner, qu’elle traite parfois de « crétins » ou de « vipère » et qui ne sont pas, précise-t-elle, « de son niveau ».
e-patiente
Dans un tel contexte, il faut reconnaître à Jacques-Alain Miller un certain flegme dans ses échanges épistolaire houleux avec son « e-patiente » parfois imprévisible et souvent ombrageuse, même si, entre deux conseils prodigués à son psychiatre iranien, il affirme qu’il « l’adore » avant de la comparer à Médée, à Lacan et… De Gaulle ! Une fois, pourtant, il se gendarme : « Now stop your games. La coupe est pleine. Le mail de ce matin, venant après une série d’autres, est à la fois une sottise et une provocation. […] Vous n’abuserez pas davantage de ma patience. Je ne répondrai à aucun message de vous, direct ou indirect, durant trois mois, jusqu’au 31 mars prochain. Passé ce délai, si vous persistiez, je romprais toute relation. »
on peine à croire
À l’examen de ces documents, on peine à croire que cette hospitalisation ait reposé sur un mobile autre que médical. Il n’y a d’ailleurs rien d’infamant à souffrir momentanément de troubles psychiatriques dont les psychanalystes ne sont pas plus à l’abri que le commun des mortels. On pourrait même considérer que cette mesure visait à protéger le docteur Kadivar de son environnement. En effet, l’Iran est un pays de culture communautaire (au sens que donne à cette notion le psychologue néerlandais Geert Hofstede, spécialiste de l’interculturalité). Or, contrairement aux cultures individualistes européennes, dans les cultures communautaires, l’individu n’existe ni par ni pour lui-même ; il ne doit exister qu’en tant que membre du groupe social au sein duquel il vit. Son souci premier sera de renoncer à ses désirs siceux-ci ne s’inscrivent pas dans le corpus des règles normatives de la société, chacun étant soumis au regard et au jugement des autres. Toute contravention à ce cadre contraignant est considérée comme une déviance et sanctionnée par la réprobation de la communauté, chacun se sentant investi du pouvoir d’agir afin de faire respecter l’ordre social menacé, dans l’intérêt supposé de tous. La sanction peut aller jusqu’au bannissement de l’individu, mais elle peut revêtir des formes plus radicales lorsqu’une religion intégriste vient se superposer aux simples traditions patriarcales. Tel est le cas dans la théocratie iranienne, a fortiori parce que le partage des rôles entre hommes et femmes y est basé sur une asymétrie qui hiérarchise strictement les deux sexes.
la soustraire aux mesures de rétorsion
En d’autres termes, les comportements de Mitra Kadivar, qui relevaient selon toute vraisemblance du trouble à l’ordre public, auraient sans doute pu lui valoir la prison, voire des sévices corporels. On peut ainsi raisonnablement penser que l’obligation de soins dans un établissement spécialisé (dont elle sortit d’ailleurs dans des conditions normales le 14 février) permit de la soustraire à de telles mesures de rétorsion. Cette dimension de la culture iranienne ne peut être négligée au profit d’une vision purement occidentalo-centrée, car elle permet d’évaluer tout autrement le contexte de l’affaire.
Il n’est donc pas avéré que la pétition demandant la « libération »de la psychanalyste ait reposé sur une réalité de fait, ce qu’ignoraient la plupart des 4500 signataires. En revanche, le mieux étant, suivant l’adage, l’ennemi du bien, elle aura eu pour effet d’attirer, à grands renforts médiatiques, l’attention du pouvoir de Téhéran sur une profession tout juste tolérée et de réputation forcément sulfureuse aux yeux des religieux, avec le risque de fragiliser la situation des praticiens locaux.
de l’ironie
Les articles publiés dans le bulletin de la SIHPP alertaient l’opinion sur l’ensemble de ces questions. Leurs rédacteurs choisirent pour l’occasion de faire appel à l’ironie, figure stylistique dont Sacha Guitry nous a appris avec sagesse que la redouter, c’était craindre la raison… On peut ainsi y lire que M. Miller s’adresse à sa correspondante « sur un mode maniaque » et qu’il « se fâche tout rouge » ; il y est aussi question d’une « cure par mails façon lacano-Miller », de « miracles politico-cliniques », de « personnalités prises au piège » d’une pétition douteuse.
à l’injure
De là à considérer que ces textes ne relèvent pas de la simple joute intellectuelle dans un cadre démocratique, mais forment les éléments constitutifs d’une diffamation publique, il y a un pas qu’il serait aléatoire de franchir. Car l’ironie instaure un effet de distanciation qui ne saurait échapper au lecteur, tandis que l’injure simple se passe de tout écran, de toute intention humoristique. Ainsi, à titre comparatif, lorsque, le 7 mars dernier, dans un article de son blog hébergé par La Règle du jeu, M. Miller compare Élisabeth Roudinesco à une « matrone », une « plaie », un « cilice », une « grenouille » et – la pire injure de toutes, à n’en pas douter ! – la traite d’« autodidacte », on cherche l’ironie, voire l’expression d’un second degré.
"une sauvage" qui "fait peur"
Le rédacteur y qualifie enfin l’historienne de la psychanalyse de « sauvage ». Mais, ce faisant, il nous invite à un intéressant exercice de questionnement. En effet, dans un courriel adressé à Mitra Kadivar, l’auteur avait écrit : « Vous êtes en train de les [les psychiatres] manger tout cru. / Vous savez, tout de même, la civilisation, c’est le cuit, nous a expliqué Lévi-Strauss. Vous, vous êtes une sauvage. / Qui ne renonce à rien, jamais. Quel que soit le risque. / Une femme décidée, quoi ! Une vraie femme. »
Or, dans l’article de son blog, on relève la phrase suivante : « Le cru et le cuit : parmi les civilisés, elle [Élisabeth Roudinesco] reste une sauvage. Elle fait peur. » Et le lecteur de se demander : entre ces deux propos, tenus à un mois d’intervalle, les deux signifiants ont-ils la même valeur ? Pourquoi l’un serait-il laudatif et l’autre péjoratif ?
Voilà le genre d’exercice acrobatique auquel doivent se livrer les juges du fond lorsqu’ils recherchent d’éventuelles traces de diffamation dans un discours. Voilà surtout qui rappelle cette note d’Amine Azar décrivant une conférence donnée par Jacques Lacan à Beyrouth, en août 1973 : « Du Signifiant : avec les mêmes mots, strictement les mêmes, décrire un tremblement de terre et une soirée mondaine. »
P.S. Dernière minute : un collectif d’universitaires, d’écrivains, de psychiatres et de psychanalystes choqués par les propos tenus sur le blog de Jacques-Alain Miller à l’encontre d’Élisabeth Roudinesco, vient de mettre en ligne un appel de soutien que l’on pourra lire en suivant ce lien.
Illustrations : Dessins de Roland Topor.
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LETTRE PERSANE : « On nous écrit d’un restaurant iranien »
Lettre de Fereydoun (Paris) à Farzam (Oslo) Mon bien aimé cousin, Tu me demandes ce qu’il en est de cette étrange affaire où des parisiens ont cru devoir intervenir dans une histoire psychiatrique qui se déroulait à Téhéran. Ou comment une imposture prend corps. Pour les médecins iraniens de Paris, il s’agit rien de moins qu’une histoire de soins transformée en affaire d’Etat, son Eminence Fabius, ministre des Affaires du Dehors a failli y être entraîné, comme bien de responsables politiques l’ont été. Pour ma part j’ai du mal à faire la part des choses et dire où est la vérité et où se cache le mensonge, tant d’honnêtes gens sont mêlés à des imposteurs. Voici les faits tels que j’ai pu les assembler, ici, à Paris. Nos amis iraniens bien informés racontent qu’une dame, Mitra K., doctoresse de son état s’est trouvée possédée par un djinn qui a pris son emprise sur elle quelques jours avant la célébration de la naissance de l’Innocent crucifié, je veux dire la veille de Noël 2012. Tu sais bien que nos djinns prennent tous les visages et commettent autant de turpitudes que notre Guide Suprême. Celui de la dame, a pris l’aspect d’une femme sapientissime se prétendant être la plus grande savante, entre la Méditerranée et la Mer de Chine, en matière de science freudienne et lacanienne, science qui concerne ce qui nous agite au bas ventre, monte à la tête et envahit notre âme. Mitra était si changée qu’elle inquiétait ses voisins et ses amis, les uns bienveillants et d’autres ayant du sang d’ayatollah dans les veines. Les vrais amis de notre Mitra K., par des ruses de persan, l’arrachèrent à la police de Téhéran, pour la mettre à l’abri dans un asile, c’est le cas de le dire, lui évitant la redoutable prison d’Evine, où jadis l’illustre Président Ahmadinéjad, exerça ses talents d’inquisiteur. Voilà que sur les bords de la Seine, pour des raisons qui nous sont totalement obscures (pourtant, comme chacun sait, nous autres iraniens, nous sommes le peuple le plus intelligent de la terre !), des personnes célèbres ici (Bernard Henri Levy, dit BHL et Jacques Alain Miller, dit JAM) ont décidé que Mitra K. subissait un internement arbitraire et qu’il fallait illico presto sauver la dame savante des griffes de … son psychiatre. Peu leur chaut que cet universitaire fut un discret progressiste, défenseur des opprimés et d’autant plus vulnérable qu’ils sont, lui et son équipe, en butte aux attaques des ayatollahs les plus fanatiques. Avec mes amis, nous nous sommes enquis de ces personnes. BHL se prend pour le sauveur de la Libye … ce qui n’est pas l’avis de mes amis libyens. Quant à JAM, les mauvaises langues disent que c’est un ayatollah d’une des religions lacaniennes. Il prétend tout savoir et avoir tout compris de la science du bas-ventre. Il est le Gendre du prophète Lacan, et actuel Guide Suprême de sa secte. J’ai entendu, dans une conversation à mon restaurant, qu’il serait, possédé par un dibbouk, le fameux djinn de l’Europe de l’Est, encore plus redoutable que les nôtres, ayant bénéficié de la science infernale des soviets. Qu’il tient ainsi sous son empire de nombreux adeptes, dont cette Mitra K. qui clame par sa voix et par ses écrits qu’elle est de sa secte et qu’elle lui voue un amour sans limite. C’est un homme aux yeux bleus perçants, qui, à ce qu’on dit, lit dans les âmes de ses adeptes, comme notre chère grand-mère, que Dieu lui prête longue vie, lit dans le marc de café. Miller serait un Marja’é Taghlid (Source d’imitation, ndlr), aussi suivi qu’un ayatollah de Qom. Il paraîtrait que ce cher homme, fortuné mais en mal de publicité et d’aventures a décidé de sauver ladite dame, son amie, son élève, sa disciple, les versions varient, en qualifiant son hôpital de prison. Nos compatriotes sont très en colère ici et disent que c’est un arrogant homme blanc du Faranguestan, (Europe, ndlr) qui a décidé que le meilleur service de psychiatrie de notre chère patrie perdue est une prison. Exactement comme Ahmadinéjad veut sauver le monde, Miller a décidé de sauver son amie, élève et disciple en faisant circuler une pétition que des ignorants de tous bords, ou bien des âmes bien intentionnées mais trompées ont signée, comme des moutons, par milliers, ignorants de la psychiatrie, dit mon bien aimé médecin de l’âme, et encore plus des méandres tortueux de notre Perse opprimée, envahie par des turbans auxquels pendent des barbes mal taillées. Un psychiatre persan de Paris aurait même conseillé à l’éminent et courageux Miller d’aller à Sainte Anne régler ses comptes avec ses compatriotes aliénistes, au lieu de piétiner une des rares bonnes choses qu’il y a encore chez nous, à savoir le dévouement de nos médecins. Car enfin, c’est vraiment facile de canonner, à partir de la Tour Eiffel, un professeur de psychiatrie iranien, bien peu aimé des autorités théologiques. La preuve : l’ambassade de notre détestée république islamique, qui passe son temps à nous espionner, n’a absolument pas pris la défense du Professeur qui a si bien soigné Mitra. K. et que Miller accuse d’être un sbire tortionnaire au service du Ministère de l’Intelligence et des barbus enturbannés. Comme dit celui qui prend soin de mon âme meurtri : « il a fallu beaucoup de courage à JAM, pour tirer sur une ambulance, dont le chauffeur est blessé », n’est-ce pas ? Paris, est dans ce calme que nous connaissons bien et qui précède la guerre civile parce que Miller, qui semble avoir bénéficié des enseignements de Ayatollah-al-Ozma’ (le Grand Signe de Dieu sur Terre, ndlr), veut empêcher la critique de ceux qui, par souci de la vérité et de la justice, ont fait enquêter et ont dénoncé la supercherie, notamment en publiant les lettres des psychiatres et psychologues iraniens en colère. Il leur fait un méchant procès pour les punir, les faire taire et intimider tous ceux qui ne penseraient pas comme lui. Ainsi agissent ici les chefs de secte, comme chez nous. Certains plus clairvoyants que d’autres font courir le bruit que ceux qui persistent à soutenir le Gourou JAM le font non par amour de la vérité, mais par amour de leur Maître. Comme dit le proverbe chez nous : ils agissent « non par amour de l’Imam Ali, mais par haine du Calife Omar ». Finalement, il me semble que ce qui se passe ici est une bataille pour la liberté d’expression, la liberté de critique, comme elle a lieu en Iran ou en Tunisie comme je l’ai entendu dire. Finalement sur ce point au moins, le pays des Faranguestani, n’est pas si différent de notre Perse tourmentée. Sais-tu que certains disent que Miller doit être persan d’origine, comme l’est l’ancien premier ministre Balladur, dont on se souvient des turpitudes ? Mon Dieu que notre réputation est mauvaise ! Cyrus, Attar, Hafez et les autres, réveillez-vous ! Je te raconte tout cela, vrai ou faux, puisque tu aimes les « histoires obscures» comme disait notre grand-père, que Dieu ait son âme en paix, malgré ses turpitudes … de persan. Je t’embrasse sur ton front dégarni. Fereydoun |
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Les guerres de l'obsessionnel…
Le terme d'obsession, auquel certains traducteurs (Bourguignon) préfèrent substituer "contrainte", n'appartient pas à la psychanalyse. On le rencontre en amont de celle-ci, puis on va le retrouver en aval. En amont, il suffit de citer les manies de Pinel, la formidable classification d'Esquirol sur les monomanies raisonnantes ; classification dans laquelle Esquirol soulignait deux aspects qui peuvent retenir encore l'attention d'un clinicien contemporain. Le délire partiel mais surtout la lucidité du malade à qui rien n'échappe de l'aspect bizarre, extérieur, coercitif de ses troubles. Sans en faire l'énumération, on peut s'attarder sur Baillarger ; la folie avec conscience, Morel : le délire émotif et enfin sur le thème tout à fait impressionnant de vertige mental qu'utilisait Lasègue pour parler des obsessions. Lanteri-Laura disait qu'avant Freud, le mot obsession a beaucoup flotté. En 1896, Freud écrit directement en français un texte pour l'"encéphale" intitulé : "l'hérédité, l'étiologie des névroses", et fixe le terme de névrose obsessionnelle de façon contemporaine. De nos jours hélas, on sait à quel point, dans une certaine relativisation de la clinique, les questions de l'obsessionnalité sont stigmatisées sous la rubrique de "tics obsessionnels compulsifs" chez les enfants. Dans un premier temps, je verrai en quoi ce terme de Freud, de "névrose obsessionnelle", permet effectivement de comprendre un certain nombre de phénomènes qui sont impérieux, comme extérieurs à la volonté du sujet dans le cadre et dans le sens des névroses. Freud écrit à la fin de sa monographie exemplaire : "l'homme aux rats" : les obsessionnels ont, avant tout, besoin de la possibilité de la mort pour résoudre leurs conflits. |
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Pour une lecture d’anthropologie clinique des conduites d’errance chez les mineurs - Olivier Douville
Je vais parler essentiellement à partir de deux lieux. Je travaille en tant que psychologue clinicien dans l’équipe mobile « Psychiatrie et Précarité » du dix-huitième secteur de psychiatrie de l'hôpital public spécialisé (EPS) de Ville-Evrard, secteur qui recouvre des villes de l'est de Paris comme Neuilly-sur-Marne et Noisy-le-Grand. Par ailleurs, j'ai contribué à mettre en place, avec l'aide inestimable de Xavier Emmanuelli, dans le cadre de son association, le SAMU Social International, des équipes mobiles et parfois des centres d’accueil pour des enfants et des adolescents en errance dangereuse et difficile dans la rue. 1) La psychopathologie de l'errance est une question inévitable et difficile. En effet, l’errance est une conduite et elle ne compte pas au rang des grands symptômes de la psychopathologie que sont la psychose, la névrose, la perversion, les états limites, il reste à souligner aussi que l'errance est une conduite dont on ne sait pas – cela dépend des moments de la vie du sujet – si elle rend malade ou soigne. C'est un peu comme avec la toxicomanie. |
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Soutien à Elisabeth Roudinesco : où en sommes-nous ? (Bulletin de la SIHPP, 27 avril 2013)
BULLETIN DE LA SIHPP
27 avril 2013
Appel collectif international de soutien à
Elisabeth Roudinesco
Chers amis
Voici quelques nouvelles concernant l'appel collectif international de soutien à Elisabeth Roudinesco.
Mis en ligne début avril, cet appel a été signé à ce jour par plus de 500 personnalités de plusieurs pays : psychiatres, psychanalystes, sociologues, universitaires, écrivains, philosophes, cinéastes, intellectuels, travailleurs sociaux.
Je vous en rappelle l'adresse http://www.ipetitions.com/petition/soutien-a-elisabeth-roudinesco/
Bien à vous
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Nous soussignés, dénonçons les propos tenus à l’encontre d’Elisabeth Roudinesco par Jacques-Alain Miller dans son blog du 7 mars 2013 (1) ainsi que le nouveau procès qu'il lui intente aujourd’hui en tant que présidente de la Société internationale d'histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse (SIHPP) (2) à propos de « l'affaire Mitra Kadivar ». Elisabeth Roudinesco est une grande historienne qui tient avec succès un séminaire à l’Ecole normale supérieure, et dont l’oeuvre est connue dans le monde entier. Elle a toujours relayé les demandes de soutien pour aider les psychanalystes, psychiatres et intellectuels persécutés dans leur pays (notamment Rafah Nached et Raja Benslama). Et rien n’indique qu’il s’agisse dans l’affaire Kadivar d'une telle situation. De nombreux témoignages produits par des psychiatres iraniens sont là pour en attester. L'utilisation de procédures judiciaires et d’invectives en lieu et place du débat intellectuel est indigne d’une société démocratique. Nous appelons tous les psychanalystes, psychiatres ainsi que toutes les personnes qui se sentent concernées à signer cet appel de soutien à Elisabeth Roudinesco.
Initiateurs
Pierre Delion (professeur des Universités à la faculté de médecine de Lille 2, chef du service de pédopsychiatrie du CHRU de Lille, psychanalyste)
Olivier Douville (psychanalyste, maître de conférences Université de Paris-Ouest Nanterre, Université Paris 7- Denis Diderot)
Premiers signataires (64)
Elisabeth Badinter (philosophe, écrivain).
Jean-Pierre Sueur (sénateur).
Michel Wieviorka (sociologue, directeur d’études à EHESS).
Jacques Le Rider (germaniste, historien, directeur d’études à l’EPHE).
Catherine Clément (philosophe, écrivain).
Michelle Perrot (historienne, professeur émérite, Université de Paris 7-denis Diderot).
Georges Vigarello (historien, directeur d’études, EHESS).
Gilles Pécout (historien, directeur du département d’histoire de l’Ecole normale supérieure).
Gisèle Sapiro (directrice de recherches au CNRS, directrice d'études à l'EHESS. Directrice du centre européen de recherches en sociologie, Université de Paris 1)
Fethi Benslama (psychanalyste, professeur de psychopathologie à l’Université de Paris 7-Denis Diderot).
Raja Ben Slama (universitaire, psychanalyste, Faculté des arts et lettres de la Manouba, Tunisie)
Gilles Perrault (écrivain).
Pierre Zaoui (philosophe, maître de conférence en lettres à l’Université de Paris 7-Denis Diderot).
Henri Rey-Flaud (psychanalyste, professeur émérite à l’Université de Montpellier).
Chawki Azouri (psychiatre, psychanalyste, chef de service, Hôpital Mont-Liban, Beyrouth).
Julia Borossa (historienne, directrice de programme en psychanalyse, Université de Middlesex, Londres).
Laure Murat (historienne, professeur au département d'études françaises et francophones de UCLA, Californie).
Patrice Chemla (psychiatre des hôpitaux, chef de clinique à l’hôpital Henri Ey, Reims).
Catherine Vanier (psychanalyste, membre d'Espace analytique).
Alain Vanier (psychiatre, psychanalyste, professeur de psychopathologie, Université de Paris 7-Denis Diderot).
Jean Michel Rabaté (professeur de langue et de littérature comparée à l’Université de Pennsylvanie, Philadelphie).
Antoine Courban (professeur d’histoire et philosophie des sciences biomédicales, chef du département de Médecine et Humanités, Université Saint Joseph de Beyrouth).
Jacques Hochmann (psychiatre, psychanalyste, membre de la Société psychanalytique de Paris et de l’IPA).
Jean-Louis Desmeure (chargé de mission pour le livre au Ministère des affaires étrangères).
Serge Tisseron (psychiatre, psychanalyste, docteur en psychologie, Université de Paris-Ouest Nanterre).
Patrick Guyomard (psychanalyste,professeur de psychopathologie, Université de Paris 7-Denis Diderot, membre fondateur de la Société de psychanalyse freudienne).
François Pommier (psychiatre, psychanalyste, professeur à l'Université Paris-Ouest – Nanterre, membre du CNU, section 16).
Catherine David (écrivain, journaliste).
Per Magnus Johansson (psychanalyste, historien, Université de Göteborg, membre d'honneur de la Société suédoise de psychanalyse affiliée à l’IPA).
C. Lucia Valladares (psychanalyste, professeur à la PUC-SP, Brésil).
Caterina Koltai (psychanalyste, professeur émérite à la PUC-SP, Brésil).
Frédéric Forest (docteur en sciences politiques, chercheur associé à l’Université de Paris 7-Denis Diderot, administrateur civil).
Denis Reserbat-Plantey (auteur et réalisateur audiovisuel).
Martine Bacherich-Granoff (psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne).
Anny Combrichon (psychiatre, psychanalyste, Lyon).
Jean Piel (historien, professeur émérite, Université de Paris VII).
Paul Lacaze (psychiatre, president de ALFAPSY).
Jean Garrabé (psychiatre, historien de la psychiatre, membre de L’Evolution psychiatrique).
Didier Cromphout (psychiatre, psychanalyste, expert auprès des tribunaux, Bruxelles).
Guy Sapriel (psychiatre, psychanalyste, président de Espace analytique).
Hervé Bokobza (psychiatre, psychanalyste, co-initiateur de l’appel des 39 contre la nuit sécuritaire).
Mario Cifali (psychanalyste, écrivain, journaliste, Genève).
Henri Deluy (écrivain).
Ignacio Garaté Martinez (psychanalyste, docteur en sciences de l’éducation, membre de Espace analytique).
Radmila Zygouris (psychanalyste, Fédération des ateliers de psychanalyse).
Gilles-Olivier Silvagni (psychanalyste).
Dominique Claudet (sociologue).
Françoise Wilder (psychanalyste, ancienne chargée de cours à la faculté de médecine de Montpellier).
Marie-Laure Dimon (psychanalyste et anthropologue, Collège international de psychanalyse et d’anthropologie, CIPA).
Pascale Hassoun (psychanalyste, membre du cercle freudien).
Mireille Cottin (assistante sociale en psychiatrie).
Jack Droulout (membre du CA de l’Association Jenny Aubry).
François Bing (psychiatre, psychanalyse, responsable d'un séminaire d'histoire de la psychiatrie, Hôpital Sainte-Anne).
Joseph-Lê Ta Van (psychanalyste, membre administrateur de Acte-Psychanalytique asbl, Bruxelles).
Monique Selim (anthropologue, directrice de recherches IRD, responsable de l'axe Travail et Mondialisation .UMR 201 Développement et sociétés IRD/P1).
Aurora Gentile (psychanalyste, membre de la Societé Italienne de psychothérapie psychanalytique. Naples).
Maria Izabel Oliveira Szpacenkopf (psychanalyste, membre d’Espace Analytique, chercheur au Latesfip /Université de São Paulo - Rio de Janeiro, Brésil).
Nader Aghakhani (psychanalyste, Croix-Rouge Française, Paris).
Houchang Guilyardi (psychanalyste, ancien psychiatrie des hôpitaux, président de Ravan Pajouhan, président de l’Association Psychanalyse et Médecine).
Esmat Torkghashghaei (psychanalyste et chargée de cours à l'université Téhéran)
Franck Lelièvre (philosophe)
Daniel Lemler (psychanalyste et psychiatre, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg)
Jacques Postel (médecin chef honoraire du service psychiatrique de l'hôpital Sainte-Anne, président honoraire de la SIHPP, membre d'honneur de la Société française d'histoire de la médecine)
Lisa Appignanesi (directrice du Freud Museum de Londres, Visiting Professor in Literature And Medical Humanities, King's College)
John Forrester (professeur d’histoire et de philosophie des sciences, Université de Cambridge)
Suite
Edgar Morin (sociologue, CNRS)
Laurie Laufer (psychanalyste, professeur de psychopathologie, Université de Paris 7-Denis Diderot)
Christian Hoffmann (psychanalyste, professeur de psychopathologie, Université de Paris 7-Denis Diderot)
Guy Dana (psychiatre, psychanalyste, membre du Cercle freudien)
Ruben Gallo (professeur associé de langue et de litterature comparée, Université de Princeton)
Jean Michel Vives (psychanalyste, professeur de psychopathologie clinique, Université de Nice)
Marco Antonio Coutinho Jorge (psychiatre, psychanalyste, professeur à l’Université de Rio de Janeiro )
Benoît Peeters (écrivain)
Jean Jacques Moscovitz (psychiatre, psychanalyste, membre de l’association Psychanalyse actuelle)
François Caroli (psychiatre, vice-président de la Fondation pour la recherche en psychiatrie et santé mentale, hôpital Sainte-Anne)
Guido Liebermann (psychanalyste, historien, psychologue, Israël)
Roger Gentis (psychiatre)
Mireille Nathan-Murat (psychanalyste, membre de la Société psychanalytique de Paris et de l’IPA)
Michèle Skierkowski (psychanalyste, présidente des Cartels Constituants de l'Analyse Freudienne, CCAF )
Sophie Bessis (historienne)
Christian Godin (philosophe)
Gilles Sainati (magistrat)
Anne Bourgain (enseignant chercheur, Université de Paris 13)
Francis Hofstein (psychanalyste)
Carina Basualdo (psychanalyste, maître de conferences à l’Université de Nanterre)
Laurent Loty (chercheur au CNRS, président la Société française pour l’histoire des sciences de l’homme)
Gilbert Cabasso (professeur de philosophie)
Claude Delmas (écrivain)
Florence Plon (psychanalyste)
Michel Ellenberger (docteur ès sciences)
Françoise Hurstel (psychologue clinicienne, laboratoire de psychologie de Strasbourg)
Patrick de Neuter (psychanalyste, professeur émérite de psychopathologie à l’Université de Louvain)
Nicole Stryckman (psychanalyste, Association psychanalytique de Belgique)
Roger Ferreri (psychiatre, psychanalyste, chef du service de psychiatrie infanto juvénile, Centre hospitalier Sud francilien 91 Evry)
Guillaume Mazeau (historien, Université de Paris 1)
Jean-Jacques Blévis (psychiatre, psychanalyste)
Paulo-Roberto Ceccarelli (psychanalyste,professeur de psychanalyse, Université PUC-MG/UFMG - BRESIL, membre de la Société de psychanalyse freudienne )
Paul Stryckman (sociologue, Québec)
Serge Cosperec (philosophe)
Foad Saberan (psychiatre)
Evair Aparecida Marques (psychanalyste, Corpo freudiano de Rio de Janeiro)
Gilda Sabsay-Foks (psychanalyste, membre de l’Association psychanalytique argentine et de l’IPA, membre de l’Asocciation internationale d’histoire de la psychanalyse)
Carlos A.Uribe (psychanalyste et anthropologue, profesor titular en Universidad de los Andes, Bogota)
Anne-Marie Houdebine (professeur de linguistique et de semiologie, Université de Paris V-René Descartes)
Luiz Eduardo Prado de Oliveira (psychanalyste, directeur de recherche, Centre de recherche en psychanalyse, médecine et sociétés (CRPMS), Université de Paris 7 - Denis Diderot)
Nami Baser (écrivain, professeur de philosophie à l’Université Galatasaray et Notre Dame de Sion, Istamboul)
Jacques-Martin Berne (colonel du genie, diplômé de l’Ecole supérieure de guerre)
Joseph Illand (ingénieur)
Elisabeth Kapnist (réalisatrice)
Célia Bertin (écrivain, biographe de Marie Bonaparte)
Michael Randolph (psychothérapeute, secrétaire géneral du Syndicat national des praticiens en psychothérapie relationnelle et psychanalyse)
Anne-Marie Finkelstein (chef d’entreprise, promédiaconcept)
Patrick Landman (psychiatre, psychanalyste, membre de Espace analytique)
Mustapha Saha (sociologue, écrivain)
Christophe Girard (Maire du 4eme arrondissement de Paris, conseiller regional, vice-président de l’hôpital Sainte-Anne)
Cécile Vargaftig (écrivain)
Jean-Philippe Domecq (écrivain)
Valeria Lumbroso (réalisatrice de documentaires)
Eliane Contini (productrice d’émissions radiophoniques)
Bernard Condominas (éditeur)
Viviane Forrester (écrivain)
Susana Rodriguez (professeur à l’Université de Querétaro, Mexique)
Betty B.Fuks (psychanalyste, professeur, programme d'études supérieures de l'Université Veiga de Almeida / Rio de Janeiro).
Anne E. Berger (professeure de littérature et d’études du genre, Université de Paris 8-Saint-Denis et Cornell University, Ithaca)
Eric Godelier (professeur des Universités, Ecole polytechnique)
Elizabeth Gouslan (écrivain, journaliste)
Bernard Vasseur (philosophe)
Jean-Claude Gayssot (ancien ministre)
Peter Schöttler (historien, chercheur au CNRS, chercheur associé au Centre Marc Bloch, Berlin)
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(1) Propos tenus par Jacques-Alain Miller (Blog du 7 mars 2013) à l’encontre d’Elisabeth Roudinesco, de son enseignement, de son œuvre et de sa collaboration au journal Le Monde : «Quand je pense que, sans mot dire, j’ai laissé des années durant Elisabeth traîner dans la boue chaque Séminaire que je sortais. Je croyais que mon silence était le signifiant de mon mépris. Je me demande s’il n’abritait pas quelque jouissance masochiste. Les maîtres aiment à expier leurs fautes sous le fouet des matrones (le latin pour dire ça m’échappe ce matin). Elle était ma plaie, mon cilice. Ou alors je pensais que c’était la fête à la grenouille, qu’il fallait lui laisser faire des bulles et barboter dans la gadoue, et que tout cela se payerait un jour. Comment savoir ce qu’on pense ? C’est impossible. Il n’y a pas les fausses confidences et les vraies, il n’y a que de fausses confidences. Signé Epiménide.
Non, car ceci au moins est vrai : Derrida plié en deux me montrant un passage d’elle dissertant de l’influence des Stoïciens sur Platon. Quels efforts cette autodidacte de génie n’aura-t-elle pas fait pour surmonter ses handicaps, et jeter un pont, ou du moins une passerelle, ou un pont de lianes, si ce n’est une corde, entre elle et la culture. A tout prendre, elle a plus de mérites que ceux qui sont tombés dans la marmite à la naissance. Le cru et le cuit : parmi les civilisés elle reste une sauvage. Elle fait peur. Et quelle constance ! Trente ans qu’elle tient sa position au Monde. Elle est tapie dans le clocher de l’église de Saint-Germain des Près, et tire sur tout ce qui bouge. Et même sur ce qui ne bouge pas, car de temps à autre elle lâche une rafale sur la dépouille de Lacan.»
(2) Fondée en 1982, et présidée depuis 2007 par Elisabeth Roudinesco (avec pour secrétaire général Henri Roudier) la SIHPP (http://www.sihpp.sitew.com/) est une société savante située à l’hôpital Sainte-Anne (Bibliothèque médicale Henri Ey). Elle est dépositaire de nombreuses archives, dont celles du grand historien Henri Ellenberger. Depuis sa création, elle a organisé en France et à l’étranger des colloques et des rencontres où ont été invitées de nombreuses personnalités du monde intellectuel et académique international. Elle édite un Bulletin où sont publiés des annonces, des courriers et des informations venus du monde entier et souvent reprises sur des sites professionnels. La SIHPP est assignée en justice par Miller en même temps le Centre interdisciplinaire de formation à la psychothérapie relationnelle (CIFPR cifpr.fr et http://www.cifpr.fr/+a-propos-de-la-petition-de-Miller+) dirigé par Philippe Grauer. Les deux associations sont convoquées devant le tribunal, le 12 juin 2013 pour avoir publié des articles qui critiquaient l’initiative prise par Jacques-Alain Miller, au début du mois de février, visant à faire « libérer » Mitra Kadivar, psychanalyste iranienne, d’un prétendu internement abusif lié à une activité politique hostile au régime. Il s’agissait en réalité d’une hospitalisation classique, consécutive à un état psychotique, comme il en existe quotidiennement dans tous les pays.
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On trouvera de nombreuses informations sur cette affaire en consultant
- le blog de Michel Rotfus sur Médiapart (http://blogs.mediapart.fr/blog/michelrotfus)
- le blog de Thierry Savatier (http://savatier.blog.lemonde.fr/2013/04/02/la-psychanalyse-entre-debats-et-proces/)
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Le mouvement STOP DSM français rencontre la presse, avril 2013
Conférence de presse du 25 avril 2013
Le 25 avril 2013 à midi a eu lieu une conférence de presse organisée par le collectif « Initiative pour une Clinique du Sujet » dans les locaux du Cercle Freudien dans le 14ème arrondissement de Paris.
Cette conférence de presse portait sur la publication à la fin du mois de mai du DSM-5 et des effets que nous pouvons en attendre, au niveau de la prise en charge des patients, au niveau de la formation des médecins généralistes, des psychiatres et des psychologues, et au niveau de la conception générale de la souffrance psychique, de la maladie mentale et de leurs prises en charge.
Pour les médias, étaient présents une journaliste de l’hebdomadaire « Marianne », une journaliste du journal « Le Monde » et un journaliste de « Libération ».Pour les « psychistes », (Psychiatres, pédo-psychiatres, psychologues) et psychanalystes étaient présents des membres de l’Association Lacanienne Internationale (ALI), d’Espace Analytique, de l’Ecole de la Cause Freudienne (ECF), de l’Ecole de Psychanalyse des Forums du Champ Lacanien (EPFCL), de la Société de Psychanalyse Freudienne (SPF), du Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital (RPH) du Cercle Freudien, d'Analyse Freudienne.Après les présentations d’usage, Patrick Landman a rappelé l’historique du mouvement unitaire qui, depuis trois ans, œuvre à proposer une alternative théorico-clinique à l’hégémonie du modèle de pensées et de thérapeutiques que représente le DSM. Cela s’est concrétisé par la rédaction d’un manifeste « Pour en finir avec le carcan du DSM » publié en 2011, par l’organisation de deux journées centrées sur la défense d’une clinique du sujet, et par la mise en place de groupes de travail pour rédiger une classification alternative au DSM sur le modèle de la CFTMEA de Roger Misès (Classification Française des Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent).Il a ensuite repris les dangers qui s’annoncent liés à une utilisation massive et exclusive du DSM dans le champ de la psychiatrie et dans la prise en charge des patients, à savoir, les problèmes de sur-diagnostique, de sur-pathologisation et de sur-médication.Nous pouvons les illustrer à partir de trois nouveaux diagnostics qui apparaissent dans la nouvelle version du DSM : « les colères enfantines », « les troubles cognitifs mineurs du senior » et « les troubles de l’hyperphagie ». Ils illustrent, tous trois, des comportements a priori normaux dans la vie d’un individu (des moments de colère chez les enfants, des pertes de capacités cognitives chez les personnes âgées et la gourmandise) qui deviennent artificiellement pathologiques et pour lesquels vont être mis en place une batterie d’expertise, de tests et de traitements basés sur la médication.Tout cela est fait sous couvert de rigueur scientifique. Il apparait pourtant clairement que les connaissances scientifiques actuelles, au niveau de la biologie, de la génétique et des neurosciences ne permettent pas d’établir une étiologie biologique des maladies mentales qui soit sérieuse et utilisable cliniquement.Il n’est pas question de rejeter la science et l’utilisation de médicaments, mais d’être contre une dérive scientiste qui entraine la création de toute pièce de nouvelles pathologies en se basant uniquement sur la phénoménologie des comportements.Tristan Garcia-Fons, Dominique Tourrès-Gobert, Guy Dana, Jean-Jacques Tiszler, François Leguil, Claude Léger, Jean-François Solal et Geneviève Nusinovici ont ensuite pris la parole pour illustrer les dangers de la pathologisation du normal à travers de nombreux exemples tirés de la pratique clinique avec des enfants, des adolescents et des adultes. Ils évoquent le peu de place fait à l’accueil de la parole des patients. La place des médecins généralistes dans la prescription de psychotropes est également questionnée. Il s’agit de tout un dispositif de soins à repenser, à commencer par une classification alternative solide et rigoureuse. Il importe aussi de solliciter les politiques afin qu’ils se positionnent sur la vision qu’ils ont de la santé mentale et sa prise en charge dans notre société.Sont venues, ensuite, les questions des journalistes. Ils ont commencé par questionner la portée du mouvement et l’existence de pétitions contre le DSM.Il y a actuellement deux pétitions qui circulent, l’une en provenance des Etats-Unis et l’autre du Royaume Uni et d’Australie. L’Australie et les Etats-Unis sont les deux pays où le DSM a force de loi. L’initiative pour une Clinique du Sujet veut s’inscrire dans un mouvement international qui aura le plus de portée possible. Plusieurs mouvements se manifestent dans différents pays européen ainsi qu’en Amérique du sud ; il est à noter qu’Allen Frances qui a participé à l’élaboration du DSM-IV a appelé au boycott du DSM-5.Les journalistes demandent comment nous travaillons sur une classification alternative et si nous pourrons mener à terme ce travail sans l’aide des laboratoires pharmaceutiques.Plusieurs groupes de travail ont été mis en place pour un premier travail théorique, viendra ensuite un travail sur le terrain qui associera également les médecins généralistes, enfin un travail auprès des associations de patients afin d’éviter les effets stigmatisant des diagnostics psychiatriques. Cette classification visera également un transcodage avec la CIM-10 (Classification Internationale des Maladie, 10e version), comme l’a mis en place la CFTMEA. Une grande étude sur l’autisme avec une cohorte de 13 000 enfants expertisés a été menée par une association, sans financement des laboratoires et a été publiée par le journal Prescrire. Cela prouve que le soutien financier des laboratoires n’est pas une nécessité pour mener à bien ce travail.Ces journalistes s’enquièrent de savoir si nous avons des contacts avec le Ministère de la Santé et si nous envisageons de donner une ampleur plus grande à ce mouvement.Le mouvement n’est pas aussi restreint qu’il en a l’air. Pour le moment des parlementaires ont été contactés. Il faut noter une amplification du mouvement depuis trois ans. La médiatisation commence à faire écho à ce mouvement depuis quelques semaines. Il y a eu un article dans L’Express, Le Point, Science et Vie, des passages radio et sur Internet via Médiapart.Il y a une réflexion qui se met en place dans différents pays sur la psychiatrie post-DSM et ses nouveaux paradigmes.Enfin, il est question d’organiser un grand symposium international pour aborder l’ensemble de ces questions. Il est à noter qu’un grand nombre des psychanalystes présents dans la salle ont participé ces dernières années à des congrès, colloques, réunions publiques, en France et à l’Etranger, traitants des problèmes liés à l’utilisation du DSM. Nous pouvons donc penser que la parole portée par ce collectif circule. La médiatisation actuelle le prouve.Pour conclure ce compte-rendu et y ajouter mon petit grain de sel, je suis d’avis de prendre très au sérieux la dernière remarque d’un journaliste présent qui évoquait le décalage entre la justesse des propos tenus et le peu de portée qu’ils ont dans la société. Il me semble que la parution du DSM-5 fin mai, outre atlantique, devrait donner lieu à une journée francophone à Paris, réunissant les cliniciens qui se reconnaissent dans l’Initiative pour une Clinique du Sujet et qui souhaite soutenir publiquement la tradition psychiatrique franco-allemande, et témoigner de l’apport incontournable de l’héritage freudien dans leur clinique quotidienne.Cette journée devrait être ouverte à tous les professionnels que ces questions intéressent, aux journalistes, aux hommes politiques et aux citoyens.Il me semble que les journalistes ne mesurent pas (comment le pourraient-ils ?) l’importance et la portée symbolique d’avoir réuni dans une même pièce des représentants des grandes Ecoles de psychanalyse françaises, lesquelles n’ont pas toujours eu des rapports aussi cordiaux. Tout ce qui va du côté du rassemblement me semble aller dans le bon sens.Il est temps que la question de la santé mentale trouve place dans la cité, au grand jour, et non plus dans des colloques particuliers auxquels n’ont accès que les initiés.
Jean-Baptiste LEGOUIS Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital
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Un très beau texte de Maryse Condé : Chronique d’une mort annoncée. Littérature caribéenne et globalisation
Paru dans Psychologie Clinique 15. Maryse Condé avait été invité à écrire par Jean Galap et moi.
Je voudrais commencer par les impressions fortes, indélébiles qu’ont fait naître en moi des images parues à la télévision au cours du mois de novembre 2002. D’une part, la chaîne CNN présentait des Haïtiens fuyant la misère et le désespoir de leur île dans une embarcation de fortune, arrivant inattendûment à proximité du rivage de Miami, se jetant à l’eau, se bousculant, nageant pour l’atteindre, cependant qu’une foule d’immigrants de même nationalité manifestait au mépris de la police afin qu’ils ne soient pas expulsés et que leur soit accordé le même statut que les réfugiés Cubains. D’autre part, RFO présentait la grève générale en Guadeloupe à l’instigation du syndicat UGTG (Union générale des Travailleurs de Guadeloupe) , qui a pris la relève des partis indépendantistes. Sous garde policière, des camions de la SARA (Société anonyme des Raffineries des Antilles) approvisionnaient les stations d’essence. Vu ce climat de violence et d’insécurité générale, la chaîne des hotels Accor et de la société Texaco annonçaient leur départ du pays. Voilà donc qu’étaient juxtaposés sur les écrans les comportements de deux peuples caribéens en ce début du XXI° siècle. Celui du peuple haïtien, qui n’a d’autre choix pour sa survie que de prendre d’assaut le territoire de l’Oncle Sam et de forcer aveuglément la porte de la globalisation. Celui du peuple guadeloupéen, persuadé que cette survie passe par un refus forcené, rageur et qui tente désespérément de s’y soustraire.Le peuple haïtien peut être considéré comme une métaphore qui exemplifie la situation des peuples caribéens dans leur ensemble. Il est l’illustration extrême de problèmes auxquels tous seront confrontés, s’ils ne le sont pas déjà.
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Cu Cu Ru Cu Cu... & You Do Something To Me... sur Douville's Jazz Radio en mai 2013
Tony Fruscella Quintet - Flues
Django Reinhardt & Philippe Brun - Harlem Swing - Paris, 28.12.1937
Ray Bryant - Good Morning Heartache
lester young jammin the blues
Helen Gross - Bloody Razor Blues
Ornette Coleman - Congeniality
David Bowie - The Alabama song
Kenny Clark & Bud Powell - Blues in the Closet
Lee Morgan - Desert Moonlight
Jeannine, I Dream of Lilac Time - John McCormack
Eddie Lang - Jeannine (I Dream Of Lilac Time)
Red Nichols and his Five Pennies - Whispering (1928)
Cu Cu Ru Cu Cu Paloma Harry Belafonte
Bill Evans Trio - Nardis
"Greensleeves" - Buddy Rich Big Band
Lee Wiley - You Do Something To Me (Cole Porter)
Gil Scott Heron
King Oliver's Creole Jazz Band - Don't You Think I Love You (1930)
El día que me quieras - Tete Montoliu & Mayte Martin
Lillian Glinn: vocal accomp.; Willie Tyson: piano; recorded new
Manhattan Dance Makers - Sleepy Time Gal (1925)
Hotchkiss School Dance Orchestra - San (1932)
Buster Smith
Eric Dolphy - Hot House
Louis Armstrong: I'm A Ding Dong Daddy From Dumas: Louis Armstrongs Sebastian Cotton Club Orchestra
If I Had You - Pee Wee Russell
Nicole Dambreville - Dan blan kèr noir
Buddy Tate - Walk That Walk
Fletcher Henderson - Keep A Song In Your Soul - N.Y.C. 02.12.1930
Going To Chicago Jimmy Rushing
Count Basie & Joe Williams - "Everyday (I Have The Blues)" & "Lyin' Woman"
Coot Grant and Kid Wilson - Stevedore Man (1926)
Joe Tarto's Black Horse Stomp! - 1926 Jazz
Martha Copeland - Mr. Brakes-Man (Let Me Ride Your Train) 1927 Rare Blues Jazz Harlem NYC
Karim Blal and Freddy Bournane aftertheshow
"Clarinet Marmalade" - The Original Indiana Five (1929)
Big Maybelle - 'I've Got A Feeling'.wmv
Anita O'Day Ain't Misbehavin'
Jack Teagarden - I Gotta Right to Sing the Blues
Coleman Hawkins - Time on my Hands
Stampede / Fred Bird The Salon Symphonie Jazzband
Gunther Schuller Jim Pepper feather dance
The naked dance by Jelly Roll Morton
Fats Waller - Russian Fantasy
Pat LaBarbera Quartet - Footprints
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Groupes et institutions qui soutiennent le Manifeste de Barcelone, Buenos Aires et au Brésil pour la psychopathologie clinique, non statistique
Groupes et institutions qui soutiennent le Manifeste de Barcelone, Buenos Aires et au Brésil pour la psychopathologie clinique, non statistique
AAPIPNA Asociación Aragonesa para la Investigación del Niño y el Adolescente. Zaragoza. España
ABBA Centro de Psicología. Burgos. España
ACCEP Associació Catalana per a la Clínica i l'Ensenyament de la Psicoanàlisi. Barcelona
Acippia Asociación cultural para la formación e investigación en psicoterapias psicoanalíticas. Madrid
Acto analítico. Intervenciones para la salud y el bienestar psico-social. Barcelona.
Acto, Centro de Asistencia Psicoanalítica, Psiquiátrica y Psicológica (Barcelona)
ADEMM – Usuaris de Salut Mental de Catalunya. Barcelona
AFPC. Asociació de Filosofía Pràctica de Catalunya
(a)grupación psicoanalítica de Alicante. España
Apertura. Estudio, Investigación y Transmisión del Psicoanálisis. Barcelona
APHICE Asociación de Psicoterapia Humanista Integrativa y Counselling. España
APOP Asociación de Psicoterapia Operativa Psicoanalítica. España
APPOPS: Association des Psychologues et Psychothérapeutes d'Orientation Psychanalytique de Suisse.
Après Coup.. Sociedad Psicoanalítica. Buenos Aires. Argentina
Area 3. Asociación para el Estudio de Temas Grupales, Psicosociales e Institucionales. Madrid
Area Infancia y Adolescencia de la Dirección de Salud Mental del Ministerio de Salud de la Provincia de Santa Fe -Rep. Argentina-
ARPP (Association pour la recherche en Psychothérapie Psychanalytique) Belgique
Asociacion Española de Psico-Somatoterapia
Asociacion Madrileña de Terapia de Familia Pareja y otros Sistemas Humanos (AMTPFOSH) España
Asociación ALTXA. Asociación para la Promoción de la Salud de Niños y Adolescentes. Bilbao. España
Asociación Análisis freudiano en España.( Madrid)
Asociación Argentina de Psicología y Psicoterapia de Grupo
Asociación Bick España (A.B.E.)
Asociación Científica de Medicina Antroposófica. Madrid. España
Asociación de Estudios Psicoanalíticos de Salamanca (ASEPS) España
Asociación de Profesionales del Hospital de Niños Ricardo Gutierrez. Buenos Aires (Argentina)
Asociación de Terapia Neural 2006 (Sabadell, España)
Asociación Escuela Argentina de Psicoterapia para Graduados. (Rep. Argentina)
Asociación Española de Historia del Psicoanálisis. AEHP. (Barcelona)
Asociación Española de Psicoterapia Psicoanalítica Oskar Pfister. Madrid.
EspañaAsociación Española de Psicoterapias Cognitivas. Barcelona
Asociación Estatal de Profesionales de la Sexología (España)
Asociación Galega de Saúde Mental.
Asociación Gallega de Psicoanálisis
Asociación Granabip -Bipolares de Granada- España
Asociación Hispanoamericana de Psicosomática
Asociación Internacional de Psicología Analítica
Asociación para la Docencia e Investigación en Salud Mental de Eivissa y Formentera. ADISAMEF (Baleares)
Asociación Psicoanalítica Argentina (APA). Sociedad componente de la Asociación Psicoanalítica Internacional -IPA- y de la Federación Psicoanalítica de América Latina -FEPAL.
Asociación Psicoanalítica de Durango.Associació México
C. FRONTS. Clínica en les fronteres. Barcelona. España
Asociación socio cultural Radio Nikosia. Barcelona. España
Associació Catalana de Psicoteràpia Psicoanalítica. ACPP. Barcelona
Associació CENTRE L'ALBA. Barcelona
Associació Cultural Dansalut. Barcelona
Associació Saräu. Barcelona
Associació TEAdir de padres, madres y familiares de personas con TEA. Trastorno del Espectro Autista (Autismos y Síndromes de Asperger). Barcelona.
Association des Forums du Champ Lacanien de Wallonie. Belgique
Association des Psychologues freudiens (France)
Association du Pont Freudien. Montréal. Canada.
Association Psychanalyste dans la Cité (Bagnols-sur-Cèze, Languedoc-Roussillon -France-)
Association SERPSY Soins Études Et Recherches En Psychiatrie, Paris -France-
Associazione Culturale Sàndor Ferenczi . Firenze. Italia
Associazione Lacaniana Italiana di psicoanalisi
Aula Gestalt. Barcelona
Aula de Psicoanálisis. Barcelona
Aula de Psicodrama. Alicante. España
Carreras de Especialización en Psicoanálisis con Niños y en Psicoanálisis con Adolescentes de la Universidad de Ciencias Empresariales y Sociales (en convenio con la Asociación de Psicólogos de Buenos Aires) (Argentina)
CDIAP Magroc (Terrassa - Barcelona)
CDIAP-Mollet Centre de Desenvolupament Infantil i Atenció Precoç, de Mollet del Vallès (Barcelona)
CEE Vi.la Joana. Barcelona
Ce.sa.men.de (Buenos Aires -Rep. Argentina)
CEDAP Centre d'Atenció Psicomèdica. Granollers. Barcelona
Centre Aïna de Psicoanálisis. Mataró. Barcelona
Centre Assistencial de Salut i Educació de Vilassar de Dalt (Barcelona)
Centre d'Higiene Mental de Cornellà (Cornellà -Barcelona-)
Centre de Dia Infanto juvenil L'ALBA. Barcelona
Centre de Psicologia Clínica Provençals, Barcelona - España
Centre de Psicología Mataró. Barcelona
Centre de psicoteràpia La Saó. Tarrassa. Barcelona
Centro Comunitario de Protección y Desarrollo Estudiantil Santa Rosa de Valencia, (Venezuela)
Centro de Orientación Sociolaboral y Clínica "El Molinet". Alicante, España
Centro de Psicoterapia Humanista SORTZEN. Bilbao. (España)
Centro Françoise Dolto. (Palencia - Castilla y León. España).
Centro regional Zona Atlántica de la Universidad Nacional del Comahue (CURZA) Rep. Argentina
Centro Studi e Ricerche Scuola di Prevenzione Josè Bleger
Cercle d'estudis en Salut Mental del Vallès (Barcelona)
CET Despertares. (Eceiza - Rep. Argentina)
CILA. Collège International de l'Adolescence. París
Clínica EOS. Clínica de terapias. Sant Cugat del Vallès. Barcelona.
Colegio Profesional de Psicólogos de Salta (Argentina)
Collège de clinique psychanalytique de Paris
CONSULTORIA PSICOLÒGICA.Serveis de psicologia. Barcelona
CONVOCA, Asociación de Atención Psicológica. Barcelona, España.
CPPL (Recife-PE) Brasil
CORPO FREUDIANO. Escola de Psicanálise. Brasil
EAP B-25 de Badia i Barberà del Vallès (Barcelona)
Ecole de Psychanalyse des Forums du Champ Lacanien. France
EFPP European Federation for Psychoanalytic psychotherapy in the public sector.
EPPA – Escola Paulista de Psicologia Avançada. Brasil
Equip Clínic CIPAIS.. Barcelona
Equipo de investigación "Efectos sociales de la globalización del DSM-V" de la Facultad de Psicología de la Universidad de Rosario (Argentina)
Escola de Clínica Psicoanalítica amb Nens i Adolescents. ECPNA. (Barcelona)
Escuela de Clínica Psicoanalítica con Niños y Adolescentes de Madrid.
Escuela de Psicoanálisis de los Foros del Campo Lacaniano - F7 (España)
Escuela de Psicoanálisis de los Foros del Campo lacaniano: Foro Tucumán/Salta de Argentina
Escuela de Psicologia Grupal y Análisis Institucional Enrique Pichon - Rivière. Chile
Escuela de Terapia Gestalt de Zaragoza. España
Escuela Española de Psicoterapia y Psicoanálisis
Escuela Española de Terapia Reichiana ( Es.Te.R.)
Espace analytique. Paris -France-
Espacio Psicoanalitico de Barcelona. EPBCN. España
Espacio Psicoanalitico. Asociación para la extensión del psicoánalisis en la Comunidad de Madrid.
Espacio Psicoanalítico de Pamplona. España
Espai Clínic Psicoanalític de FILIUM. Barcelona
Federación de Psicólogos de la República Argentina. FePRA.
Asociación para la prevención del maltrato al niño. Madrid.
FORO Andaluz de Bienestar Mental. España
Foro Psicoanalítico de Madrid de la IF-EPFCL
Foro Psicoanalítico Valenciano. Valencia. España
Forum du Champ Lacanien de Liège. Belgique
Freuds Agorá - Skole for psykoanalysen. København (Danmark)
Fundacio Cassiá Just. Catalunya
Fundació Orienta. San Boi de LLobregat. Barcelona
Fundación C.I.TI.D.A.D. Centro de Investigación y Tratamiento integral para Dependientes de Alcohol y Drogas. La Plata. Argentina
Fundació Congrès Català de Salut Mental. FCCSM. (Barcelona)
Fundació Eulàlia Torras de Beà. Institut de Psiquiatría i Psicología. Barcelona.
Fundació Lethe (Barcelona y Girona)
Fundació Puigvert. Centre de psicologia clínica. Barcelona
Fundación C. G. Jung. España
Fundación Europea para el Psicoanálisis. (España).
Fundación INTRAS (España)
Fundación Psicoanalítica / Madrid 1987.
Fundación Psicooncológica de Buenos Aires. Argentina
Fundación RedesLife. España
Fundación Rumbos. Buenos Aires. Argentina
Fundación Sociedades Complejas. Proyectos en Salud y Educación.. Argentina
Fédération Francophone Belge de Psychothérapie Psychanalytique. Bruxelles
Fédération Nationale Agréée des Psychologues Praticiens d’Orientation Psychanalytique de Belgique (APPPsy) Bruxelles, Belgique
Fédération professionnelle des psychologues cliniciens et des psychologues psychothérapeutes (Belgique).
Fòrum Psicoanalític de Barcelona
Fòrum Psicoanalític Tarragona
Fórum sobre Medicalização da Educação e da Sociedade. Brasil
FORUMADD. Equipo interdisciplinar contra la patologización y medicalización de la infancia y la adolescencia. Argentina.
GAURDANIK. Grupo psicología clínica. San Sebastian. España
GEPU. Grupo Estudiantil y Profesional Universidad del Valle. Cali. Colombia
GIU' LE MANI DAI BAMBINI. Campagna Nazionale. (Italia.)
Gradiva, Associació d'Estudis Psicoanalítics, Barcelona
GRUP, espai de psicoteràpia, treball corporal, comunicació i creativitat. Barcelona
Groupe interdisciplinaire-interuniversitaire de perinatalite ULB/UCL. Bruxelles. Belgique
Grup Alfa. Institut de treball grupal i familiar. Barcelona
Grup de Psicoanàlisi Relacional i Social. GPRIS. Barcelona
Grupo de estudios psicoanalíticos. Foro campo lacaniano. Galicia. España
Grupo Psicoanalítico de Barcelona. España
Grupo Psicoanalítico de Orientación Lacaniana de Santiago de Cuba
Grupo Zurbano de Terapia Familiar (Madrid)
Hablamos. Psicoanálisis en la radio. Radio Kanal Barcelona.
Institut de Formation à l'Intervention en Santé Mentale. Belgique
Institut de Psicologia Analítica Carl Gustav Jung (ICGJ) Barcelona
Instituto de Formación de la Sociedad Chilena de Psicoanálisis. Chile
Instituto de Terapia Neural (Sabadell, España)
Instituto Europeo de Psicoterapias de Tiempo Limitado. Madrid
Instituto Nacional de Neurociencias y Psicoanálisis. México
Instituto Galene de Psicoterapia. Madrid. España
Instituto Terapia de Reencuentro. Valencia - España
Instituto Valenciano de Psicología y Psicoterapia Analítica (IVaPA)
Intercanvis / Intercambios Papers de psicoanàlisi Papeles de psicoanálisis. Barcelona
ISURI. Escuela de Terapia Gestalt. Blanes
iPsi, Centre d'Atenció en Salut Mental - iPsi, Formació psicoanalítica .Barcelona
Kairós Associació per l'estudi, recerca i divulgació de la psicoanàlisi. Barcelona
Kur Klinikum. Barcelona
La era. Espacio abierto a la diversidad infantil y adolescente. España
La Otra Psiquiatría (Valladolid)
La Revolución Delirante. Movimiento de Jóvenes Profesionales de la Salud Mental. Valladolid. España
La Trama Psi. Servicio de Acompañamiento Terapéutico e Integración Socioeducativa. (Córdoba -Argentina-)
LI.S.T.A. Libera Scuola di Terapia Analitica. Milano. Italia.
Llibreria Xoroi (Barcelona)
Logos Clínica Psicoanalítica (Barcelona)
Los Naranjos Comunidad Terapéutica. San Pedro - Prov. Buenos Aires- Argentina.
Metàfora, centre d’estudis d’artteràpia. (Barcelona)
Mi Encuentro, Asociación civil -Escuela especial, Centro de día- (Muñiz, Buenos Aires)
MM Psicólogos.. Ferrol. A Coruña. España
MP - Consultora y Asesora en Psicologìa y Educaciòn - Buenos Aires (Argentina)
NAAP National Association for the Advancement of Psychoanalysis. New York. USA
Núcleo de Pesquisa e Extensão em Psicanálise da Universidade Federal de São João del Rei (Brasil)
ONG Casa de la Mujer. Rosario (Argentina)
Patologías actuales en la Infancia (Buenos Aires)
Phoenix Espai Terapèutic. Barcelona
Plataforma Internacional contra la medicalización de la Infancia.
Plataforma NOGRACIAS (España)
Plataforma Psicoanálisis Siglo XXI. (Barcelona)
Profesionales Latinoamericanos/as contra el Abuso de Poder. (Buenos Aires / Montevideo)
Programa "Cuidar-Cuidando". Buenos Aires (Argentina)
Programa Radial Psi. Buenos Aires. (Argentina)
Projeto de Investigação e Intervenção na Clínica das Anorexias e Bulimias (Departamento de Psicanálise/ Instituto Sedes Sapientiae), Sao Paulo - Brasil.
Projeto Transversões - Projeto Integrado de pesquisa Saúde Mental, Desinstitucionalização e Abordagens psicossociais Escola de Serviço Social da UFRJ (Rio de Janeiro -Brasil-)
Psychanalyse Actuelle. Paris -France-
Psycorps (Ecole Belge de Psychothérapie Psychanalytique à Médiations) (Belgique)
Quidem, Escuela Aragonesa de Psicoanálisis Aplicado. (Zaragoza)
Radio - a (France)
Red Asistencial de Buenos Aires. Institución de Asistencia y Formación en Salud Mental. Argentina
Red de psicoanalistas. Rosario (Argentina)
Red de Trabajo y Salud Mental, Santiago de Chile
RED-CAPS. Red de mujeres profesionales de la salud. (España)
REDI-Red por los Derechos de las Personas con Discapacidad. ONG en Derechos Humanos. Argentina
RESSORGIR Associació de Familiars i amics de persones afectades de malaltia mental. Barcelona
Revista de Psicoterapia Bonding. España
SATIS Servei d'acompanyants terapèutics per a la Inserció Social. Barcelona.
Schweizerische Gesellschaft für Analytische Psychologie (Bern)
Sección de Psicoanálisis de la Asociación Española de Neuropsiquiatría.. (Madrid)
Seminaires psychanalytiques de Paris (France)
Seminari de Psicoanàlisi de Tarragona
Sociedad de Estudios Psicosomáticos Iberoamericana. SEPIA. España
Sociedad Española de Medicina Psicosomática y Psicología Médica. Madrid.
Sociedad Española de Psicología Analítica (SEPA)
Sociedad Española de Psiquiatría y Psicoterapia del Niño y del Adolescente. SEPYPNA (Madrid)
Sociedad Paraguaya de Logoterapia (Asunción -Paraguay)
Sociedade Portuguesa de Psicanálise
Societat Catalana de Rorschach i Mètodes Projectius (Barcelona)
STIRPE. Centro de diagnóstico y de Terapia Familiar y de Pareja. Madrid
Triciclo: Clínica Psicanalítica+Centro de Estudos. (Brasilia -Brasil-)
Ufficio Stampa Ortofonologia Roma. Italia
UMBRAL, Red de asistencia "psi" (Barcelona)
Unidad médica educativa L'ALBA. Barcelona.
Union Syndicale de la Psychiatrie. USP (France)
www.lenguajeaprendizaje.com.ar (Rep. Argentina)
MANIFESTE POUR UNE PSYCHOPATHOLOGIE CLINIQUE
NON STATISTIQUE
Par le présent texte, les professionnels et organisations signataires, se prononcent en faveur de critères cliniques de diagnostic, et par conséquent à l'encontre de ce qui est imposé par le "Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders" ou DSM IV par l'Association de Psychiatrie américaine comme grille de critères unique pour la clinique de la symptomatologie psychiatrique.
Nous souhaitons partager, débattre et nous mettre d'accord sur les connaissances cliniques concernant les pathologies psychiques - souffrances symptomatiques et non pas maladies - afin de mettre en question une santé psychique qui serait statistique ou normative, ainsi que l'imposture clinique et intellectuelle du "désordre", du "trouble", de la "maladie" mentale. Nous voulons aussi dénoncer que soit imposé un traitement unique - thérapies codifiées pour troubles formatés - au mépris des différentes théories et stratégies thérapeutiques et de la liberté de choix du patient.
En ce moment nous assistons à la naissance d'une clinique qui fait chaque fois moins de place au dialogue, qui est de plus en plus indifférente aux manifestations de souffrance psychique, qui est cramponnée aux protocoles et aux traitements exclusivement palliatifs des conséquences, et non des causes. Comme le disait G. Berrios (2010) : "Nous sommes confrontés à une situation paradoxale dans laquelle il est demandé aux cliniciens d'accepter un changement radical dans la façon de concevoir leur travail (exemple: abandonner les conseils de l'expérience au profit des dictats fournis par des données statistiques impersonnelles) quand, en réalité, les fondements actuels de la certitude ne sont autres que ce que disent les statistiques, les théoriciens, les gestionnaires, les entreprises (comme l'Institut Cochrane) et les investisseurs capitalistes qui sont précisément ceux qui disent où se trouve l'argent.
Par conséquent, nous défendons un modèle de santé où la parole serait une valeur à promouvoir et où chaque patient serait considéré dans sa singularité. La défense de la dimension subjective implique la confiance dans ce que chacun met en jeu pour traiter quelque-chose en soi qui se révèle insupportable, étranger à soi, et cependant familier. Nous manifestons notre répulsion à l'égard des politiques d'assistance qui recherchent la sécurité au détriment des libertés et des droits. A l'égard des politiques qui, sous couvert de bonnes intentions et de la recherche du bien du patient, le réduisent à un calcul de rendement, à un facteur de risque ou à un indice de vulnérabilité qui doit être éliminé, à peine moins violemment que par la force.
Quelle que soit la discipline, l'approche de la réalité de son objet se fait au travers d'une théorie. Ce savoir limité ne saurait se confondre avec La Vérité, car cela supposerait de faire comme une idéologie ou une religion, où toute pensée ou évènement, et y compris le langage utilisé, servent à forcer à faire un lien (re-ligare) entre savoir et vérité. Tout clinicien qui a un certain esprit scientifique sait que sa théorie est ce qu'Aristote appelait un Organon, c'est à dire un outil pour approcher une réalité qui est toujours plus multiple et changeante, et dont les classifications doivent laisser de la place à la manifestation de cette diversité, permettant ainsi le progrès théorique aussi bien que pratique.
Cette conception s'oppose à l'idée de règle au sens où nécessairement, obligatoirement et inéluctablement les choses sont et doivent fonctionner d'une manière déterminée. Nous savons tous quelles sont les conséquences de cette position qui va de l'orientation vers la norme, à la prescription, pour finir par devenir contrainte. C'est ici que le savoir se transforme en exercice du pouvoir : quand il sanctionne, au sens large, ce qui obéit ou n'obéit pas à cette règle. Ordonnancement de la subjectivité à l'Ordre Social que réclament les marchés. Tout pour le patient sans le patient. Un savoir sans sujet est un pouvoir sur le sujet. C'est ce que J. Peteiro a appelé l'autoritarisme scientifique.
C’est pour tout cela que nous voulons manifester notre opposition à l'existence d'un Code Diagnostic Unique Obligatoire et Universel.
Par ailleurs, le modèle a-théorique dont se pare le DSM, et qu'on a voulu confondre avec de l'objectivité, nous parle de ses failles épistémologiques. Il n'est que d'évoquer son manque de définition concernant ce que nous pouvons comprendre par "trouble mental" ou "santé psychique". Le contenu de cette taxonomie psychiatrique relève plus d'ententes politiques que d'observations cliniques, ce qui engendre un problème épistémologique très grave.
Quant à la méthode de classification du DSM, on constate qu'on peut classer, entasser ou regrouper beaucoup de choses, mais que ce n'est pas établir une entité nosographique dans un champ déterminé.
Enfin, dans la même veine que ce qui précède, les statistiques utilisées ont un point de départ faible: l'ambiguïté de l'objet auquel elles sont appliquées, c'est à dire le concept de "trouble mental". Les statistiques se présentent comme une technique, un outil qui peut être mis au service de questions multiples et en tous genres. Ce sont les mêmes personnes qui définissent les items et les valeurs de base de la courbe statistique, qui décident aussi de l’inclinaison plus ou moins éloignée de la marge de ce qui va être quantifié et interprété ultérieurement.
Dans ce contexte de pauvreté et de confusion conceptuelle, la prochaine publication du DSM-V suppose une menace évidente: personne ne sera à l'abris de quelque-chose qui le stoppe, qui en fasse un malade. Il ne restera pas d'endroit pour la santé, en termes de changement, de mouvance, de complexité ou de multiplicité des façons d'être. Tout le monde malade, tout le monde victime de "trouble mental". Toute manifestation de mal-être sera rapidement convertie en symptôme de "trouble mental" qui nécessitera une médicalisation à vie. C'est le grand saut qui a été fait sans aucun appui épistémologique: de la prévention à la prédiction.
Des seuils diagnostics plus bas pour beaucoup de "désordres" existants ou de nouveaux diagnostics qui pourraient être extrêmement courants dans la population générale, voilà de quoi nous prévient Allen Frances, chef de groupe de travail du DSM-IV, dans son écrit "Ouvrant la boîte de Pandore". Faisant référence aux nouveaux "troubles" que comprendra le DSM-V, cet auteur cite quelques-uns des nouveaux diagnostics problématiques:
- le syndrome de risque de psychose ("c'est certainement la plus préoccupante des suggestions. Le taux de faux-positifs serait alarmant, de l'ordre de 70 à 75 %").
- Le "trouble" mixte d'anxiété dépressive [ce qui s’appelait jadis la dépression névrotique ? ].
- Le "trouble" cognitif mineur ("il a été défini pour des symptômes non spécifiques (...) le seuil a été fixé pour (...) comprendre un énorme 13 % de la population")[Il avait été question jadis de MBD ; minor brain dysfunctions, troubles de soft, Touwen, in : Wallon : La Vie mentale, p.. 66].
- Le "trouble" de l'excessivité
- Le "trouble" dysfonctionnel du caractère avec dysphorie
- Le "trouble" de la déviation sexuelle [Dans le DSM IV, il y a des pédophiles, mais plus d’homosexuels]
- Le "trouble" de l'hypersexualité
- etc.
[Contradiction massive : tout le monde est jugé potentiellement malade, en même temps que convoqué au « travailler plus », autrement dit au « surtravail » (Ueberarbeit)]
Par conséquent, il y a augmentation du nombre de "troubles" et augmentation aussi du champ sémantique de nombre d'entre eux, comme le fameux TDAH, [Trouble de déficit de l'attention / hyperactivité], qui non seulement se permet un diagnostic basé seulement sur la présence de symptômes, et ne requérant pas l'incapacité, mais encore est réduit pour les adultes à la moitié du nombre des symptômes requis. Le diagnostic TDHA se rencontre aussi dans l'autisme, ce qui impliquerait la création de deux fausses épidémies et engendrerait une augmentation de l'utilisation de stimulants dans une population particulièrement vulnérable.
Si on relie ce traitement statistique avec l'hétérogénéité thématique des groupes de travail, qui se multiplient et vont de l'identité en passant par l'adaptation des pulsions, l'hypersexualité, les changements d'humeur, etc., force est de constater que les classifications internationales prétendent être totalement autonomes par rapport à une quelconque empreinte théorique et, par conséquent, libres de tout type de contrôle sur le plan de la rigueur épistémologique. Cependant, nous ne croyons pas que les classifications et traitements puissent être neutres par rapport aux théories étiologiques, comme on le prétend, et dans le même temps être neutres par rapport à l'idéologie du Contrôle Social, et à des intérêts autres que la clinique.
Paul Feyerabend, dans Le mythe de la science et sa mission dans la société, nous dit: « A la base, c'est à peine s'il y a une différence entre le processus qui conduit à l'énonciation d'une nouvelle loi scientifique et le processus qui précède un nouvelle loi dans la société ». Il semble, poursuit cet auteur dans Adieu la Raison, que : »Le monde dans lequel nous vivons est trop complexe pour être compris par les théories qui obéissent aux principes (généraux) de l'épistémologie. Et les scientifiques, les politiques - toute personne qui veut comprendre et/ou avoir une influence dans le monde -, prenant en compte cette situation, violent les règles universelles, abusent des concepts, déforment les connaissances déjà acquises et empêchent constamment les tentatives pour imposer une science au sens de nos épistémologues. »
Enfin, nous voulons attirer l'attention sur le danger que représente pour la clinique des symptômes psychiatriques le fait que les nouveaux cliniciens sont formatés, délibérément, dans l'ignorance de la psychopathologie classique, puisque cela entre dans la dialectique entre théorie et clinique, entre savoir et réalité. La psychopathologie clinique qui déjà n'est pas enseignée dans nos facultés non plus que dans nos programmes de formation (...).Cependant, ils sont instruits du modèle d'indication... pharmacologique: universalisation de la prescription pour tous et pour tout, et qui ne se différencie en rien d'un distributeur automatique d'étiquettes psy et de réponses médicamenteuses. Ce que nous dénonçons est une méconnaissance des fondements de la psychopathologie, un obscurcissement de taille au moment d'examiner les patients et, par conséquent, une limite plus que considérable au moment d'établir un diagnostic.
Dans la mesure où la connaissance est la forme la plus éthique que nous ayons de nous approcher de notre réalité plurielle, la coexistence de différents savoirs sur la complexité de l'être humain n'est pas un problème.
C'est pour tout cela que nous proposons de mettre en oeuvre des actions qui auraient pour objectif de poser des limites à tout ce processus croissant des classifications internationales, et de travailler avec des critères de classification qui auraient une base solide en psychopathologie et qui, par conséquent, proviendraient exclusivement de la clinique.
Barcelone, le 14 Avril 2011
Pour signer le manifeste, cliquer là:
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Apellido = nom de famille
Ciudad = commune
Pais = pays
Nous serons reconnaissants de la diffusion maximum de ce premier manifeste (suivi d'autres, de pays différents)
Les éléments recueillis seront traités de façon confidentielle (ils ne seront publiés qu'au moment de présenter les adhésions à un organisme officiel)
Les groupes et organisations qui souhaitent adhérer à la campagne peuvent envoyer un courrier à stopdsm@gmail.com
Information et contact: stopdsm@gmail.com
Pour vous signer cliquez ici https://spreadsheets.google.com/viewform?formkey=dHN4Q3VsOU1EaHRoejRGYmlLcTZ3SGc6MQ
MANIFEST FOR A CLINICAL NON-STATISTICAL PSYCHOPATHOLOGY
By this manifest, the undersigned professionals and institutions, want to declare ourselves in favor of clinical diagnostic criteria, and therefore against the imposition of the Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders of the American Psychiatric Association, as the sole criterion in the clinic of psychological symptoms. We would like to share, discuss and agree on the clinical knowledge -logy- on mental pathos, understood as symptomatic suffering, and not a disease. We wish to question the existence of mental health, statistical or normative, as well as the clinical and intellectual imposture of the notion of mental disorder or mental illness. We also want to denounce the imposition of one sole therapy treatment for typified disorders. These being formatted to the detriment and contempt of other theories and treatment strategies, as well as the contempt of the patients’ right to choose. At present, we witness how clinical practice is becoming less dialogist and more indifferent to the manifestations of mental sufferings, clinging to the protocols and palliative treatments, which only address the consequences, but not their causes.
As stated by G. Berrios (2010) "We are facing a paradoxical situation in which clinicians are asked to accept a radical change in the way of developing their work, (ie leave the advice of your own experience and follow the dictates of statistical and impersonal data) when in fact, currently, the basis that are used for evidence are no different than what the statistics, theorists, managers, companies (such as the Cochrane Institute) and capitalist investors say, being these who precisely say where you put the money." We thus want to uphold a health model, where the speech is a value to promote and where each patient is considered in its particularity.
The defense of the subjective dimension entails to value and consider what each one brings into play to address what remains unbearable, stranger to oneself, but yet familiar. We express our rejection to the welfare policies which prioritize security at the expense of freedom and human rights. Policies that, under the guise of good intentions and the search for the good of the patient, reduce the patient to a performance calculation, a risk factor or a vulnerability index which ought to be removed, nearly by force.
For any discipline, the approach to the reality is done through a theory. But this limited knowledge should not be confused with The Truth. This would act as an ideology or religion, where any thought, event, or even the used language would serve to promote the re-ligare between knowledge and truth. Any clinician with a true scientific spirit knows that his theory is what Aristotle called an Organon, that is a tool to approach a reality, which becomes always more plural and changeable, and whose categories are only an expression of its diversity, making it become wider from both a theoretical and practical perspective.
This conception is opposed to the idea of a canon, in the sense of what necessarily things are and that they must perform in a certain way. We all know the consequences of this kind of position that goes from being indicative to set a rule and become prescriptive, and ultimately coercive. This is where knowledge becomes the exercise of a power that sanctions as per what obeys or disobeys this canon. It also means the subordination of subjectivity to the management of social order, as per what markets demand. Everything is for the patient but without taking the patient into consideration. We know that any knowledge dismissing the subject constitutes an act of power on this subject. J. Peteiro calls it “scientific authoritarianism”. For all this, we want to express our opposition to the existence of a Sole, Compulsory and Universal Diagnosis Code.
Furthermore, the a-theoretical model that the DSM boats about, claiming to guarantee any objectivity, only talks about his epistemological failure. Suffice is to recall its inability to define what a mental disorder and mental health are. The contents of this psychiatric taxonomy respond more to political reasons and agreements than to clinical observations, leading to a very serious epistemological problem.
Regarding the classification method applied at the DSM, we find that even though many things can be sorted, stacked or grouped, there is no nosographic entity that can be established in a given field. Finally, and in the same line as above, the statistics used in the DSM have a weak point of origin: the ambiguity of the object on which it operates, that is, the concept of mental disorder. Statistics are presented as a technique, a tool that can be used for multiple causes, of any kind. Items and basic values of the statistical curve are handled by persons, and they are responsible to quantify and interpret the data.
In this context of poverty and confusion, the forthcoming DSM-V constitutes a clear threat: no one is sheltered from what is fixed as illness. There is no room for health in terms of change, mobility, complexity and multiplicity of forms. All of us are patients and we all suffer from a disorder. Any manifestation of discomfort will be quickly transformed into symptoms of an illness that needs to be medicalized for life. This is the big leap that has been done without any epistemological net: from prevention to the prediction. Frances Allen, head of Task Force of the DSM IV, warn us in his article “Opening Pandora's box” about lower diagnostic thresholds for many existing or newly diagnosed disorders that could be extremely common in the general population. He also lists some of the new conditions that are to be included within the DSM-V: the risk of psychosis syndrome (“It is certainly the most disturbing suggestios. The false positive rate would be alarming, going from 70 to 75%”). The mixed depressive anxiety disorder. Minor cognitive disorder (“is defined by specific symptoms ... the threshold has been arranged to include a massive 13..5% of the population".) Binge eating disorder. Dysfunctional disorder character with dysphoria. Paraphilic coercive disorder. Hypersexuality disorder, etc. As a result, it does not only increase the number of disorders but also the semantic field of many of them, as it is in the case of the ADHD. The DSM-V promotes a diagnosis based on the sole presence of symptoms, and doesn’t entail any disability. Furthermore, it reduces to the half the number of symptoms required for adults. The diagnosis of ADHD is also provided in the presence of autism, which would involve creating two false epidemics and would foster an increased use of stimulants in a particularly vulnerable population.
If we combine these statistics with the heterogeneity thematic working groups that have proliferated, ranging from gender identity, through the adaptation of the pulse, hyper-sexuality, mood swings etc., we cannot ignore the pursuit of a full autonomy with respect to any theoretical framework and any epistemic rigor control by the international classifications. We, nevertheless, do not believe that the classifications and treatments can be neutral with respect to etiology theories, as it is intended. They can neither be neutral with respect to the ideology of social control, and other extra-clinical interests.
Paul Feyerabend, in “The Myth of Sscience and its Role in society”, writes: "Basically, there is hardly any difference between the process leading to the formulation of a new scientific law and the process that precedes a new law in society " It seems, continues this author in “Farewell to Reason” that: "The world we live in is too complex to be understood by theories that obey to epistemological (general) principles. And scientists, politicians, -anyone trying to understand and / or influence the world and, taking into account this situation,- are violating universal rules, abusing of developed concepts, distorting the knowledge already obtained and constantly thwarting attempts to impose a science, in the sense used by our epistemologists. "
Finally, we would like to draw attention to the danger it involves to the treatment of psychological symptoms the fact that new clinicians are deliberately educated in the ignorance of classical psychopathology. Clinical psychopathology responds to the dialectic between theory and clinical practice, between knowledge and reality, but it is no longer taught at our universities. And yet, they are instructed in the paradigm of a pharmacologic approach that has become universally prescriptive for everybody and for any condition. It is not much different from a label vending machine, which restocks medication. What we denounce is the complete ignorance of the foundations of psychopathology, a fundamental tool when exploring patients and, consequently, a considerable constraint when making a diagnosis.
Since knowledge may the most ethical way for approaching our plural reality, the coexistence of different theories about the complexity of human beings should be respected.
Therefore, we propose to take actions in order to stop the increasing spread and growth of international classifications, and alternatively work with classification criteria which are based on psychopathology fundamentals and exclusively stem from the clinical practice.
Barcelona, April 14th 2011
To sign the manifesto click here https://spreadsheets.google.com/viewform?formkey=dHN4Q3VsOU1EaHRoejRGYmlLcTZ3SGc6MQ
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stopdsm@gmail.com
MANIFIESTO A FAVOR DE UNA PSICOPATOLOGÍA CLÍNICA, QUE NO ESTADISTICA
Mediante el presente escrito, los profesionales e instituciones abajo firmantes, nos manifestamos a favor de criterios clínicos de diagnosis, y por lo tanto en contra de la imposición del Manual Diagnóstico y Estadístico de los Desórdenes Mentales de la American Psychiatric Association como criterio único en la clínica de las sintomatologías psíquicas.
Queremos compartir, debatir y consensuar el conocimiento clínico -logía- sobre el pathos psíquico -padecimiento sintomático, que no enfermedad- a fin de cuestionar la existencia de una salud psíquica, estadística o normativa, así como la impostura clínica e intelectual deldesorden, trastorno, enfermedad mental. También queremos denunciar la imposición del tratamiento único -terapias tipificadas para trastornos formateados- por el menosprecio que supone a las diferentes teorías y estrategias terapéuticas, y a la libertad de elección de los pacientes. En el momento actual, asistimos al devenir de una clínica cada vez menos dialogante, más indiferente a las manifestaciones del padecimiento psíquico, aferrada a los protocolos y a tratamientos exclusivamente paliativos para las consecuencias, y no para sus causas. Tal y como dice G. Berrios (2010) «Nos enfrentamos a una situación paradójica en la que se les pide a los clínicos que acepten un cambio radical en la forma de desarrollar su labor, (ej. abandonar los consejos de su propia experiencia y seguir los dictados de datos estadísticos impersonales) cuando en realidad, las bases actuales de la evidencia no son otras que lo que dicen los estadísticos, los teóricos, los gestores, las empresas (como el Instituto Cochrane) y los inversores capitalistas que son precisamente aquellos que dicen donde se pone el dinero». En consecuencia, manifestamos nuestra defensa de un modelo sanitario,donde la palabra sea un valor a promover y donde cada paciente sea considerado en su particularidad. La defensa de la dimensión subjetiva implica una confianza en lo que cada uno pone en juego para tratar aquello que en él mismo se revela como insoportable, extraño a sí mismo, pero sin embargo familiar. Manifestamos nuestra repulsa a las políticas asistenciales que persiguen la seguridad en detrimento de las libertades y los derechos. A las políticas que, con el pretexto de las buenas intenciones y de la búsqueda del bien del paciente, lo reducen a un cálculo de su rendimiento, a un factor de riesgo o a un índice de vulnerabilidad que debe ser eliminado, poco menos que a la fuerza.
Para cualquier disciplina, la aproximación a la realidad de su campo se hace a través de una teoría. Este saber limitado no tendría que confundirse con La Verdad, pues, supondría actuar como una ideología o religión, donde cualquier pensamiento, acontecimiento o incluso el lenguaje utilizado, está al servicio de forzar el re-ligare entre saber y verdad. Todo clínico con un cierto espíritu científico sabe que su teoría es lo que Aristóteles llamaría un Organon, es decir, una herramienta de acercamiento a una realidad siempre más plural y cambiante, y donde las categorías encontradas han de dejar espacio a la manifestación de esa diversidad, permitiendo así una ampliación tanto teórica como práctica. Esta concepción se opone a la idea de un canon, en el sentido de lo que necesariamente, obligatoriamente y prescriptivamente las cosas son y han de funcionar de determinada manera. Todos sabemos las consecuencias de esta posición que va de lo orientativo a lo normativo, prescriptivo para, finalmente, convertirse en coercitivo. Es ahí donde el saber se convierte en el ejercicio de un poder en tanto sancionador, en un sentido amplio, de lo que obedece o desobedece a ese canon. Ordenación de la subjetividad al Orden Social que reclaman los mercados. Todo para el paciente sin el paciente. Un saber sin sujeto ya es un poder sobre el sujeto. Autoritarismo científico, lo llama J. Peteiro. Por todo esto queremos manifestar nuestra oposición a la existencia de un Código de Diagnostico Único Obligatorio y Universal.
Por otra parte, el modelo a-teórico del que hace gala el DSM, y que se ha querido confundir con objetividad, nos habla de su falla epistemológica. Baste recordar su indefinición sobre qué podemos entender como trastorno mental, así como por salud psíquica. Los contenidos de esta taxonomía psiquiátrica responden mucho más a pactos políticos que a observaciones clínicas, lo que da lugar a un problema epistemológico muy grave.
En cuanto al método clasificatorio del DSM, constatamos que se puede clasificar, amontonar o agrupar muchas cosas, pero eso no es establecer una entidad nosográfica en un campo determinado. Por último, y en la misma línea que lo anterior, la estadística empleada en el DSM tiene un punto de partida débil: la ambigüedad del objeto sobre el que se opera, es decir, el concepto de trastorno mental. La estadística se presenta como una técnica, un utensilio que puede ser puesto al servicio de múltiples causas y de todo tipo. Son las personas quienes manejan los ítems y valores de base de la curva estadística, pero también quienes deciden el deslizamiento, más o menos hacia los márgenes de lo que se va a cuantificar e interpretar posteriormente.
En este contexto de pobreza y confusión conceptual, la próxima publicación del DSM-V supone una clara amenaza: nadie quedará fuera de aquello que se detiene, de lo que enferma.. No quedará espacio para la salud, en términos de cambio, de movilidad, de complejidad o de multiplicidad de las formas. Todos enfermos, todos trastornados. Cualquier manifestación de malestar será rápidamente transformada en síntoma de un trastorno que necesita ser medicalizado de por vida. Éste es el gran salto que se realiza sin red epistemológica alguna: de la prevención a la predicción.
Umbrales diagnósticos más bajos para muchos desórdenes existentes o nuevos diagnósticos que podrían ser extremadamente comunes en la población general, de esto nos advierte Allen Frances, jefe de grupo de tareas del DSM IV, en su escrito Abriendo la caja de Pandora. Refiriéndose a los nuevos trastornos que incluirá el DSM-V, este autor cita algunos de los nuevos diagnósticos problemáticos: el síndrome de riesgo de psicosis, («es ciertamente la más preocupante de las sugerencias. La tasa de falsos positivos sería alarmante del 70 al 75%»). El trastorno mixto de ansiedad depresiva. El trastorno cognitivo menor, («está definido por síntomas inespecíficos... el umbral ha sido dispuesto para incluir un enorme 13.5% de la población».) Trastorno de atracones. El trastorno disfuncional del carácter con disforia. El trastorno coercitivo parafílico. El trastorno de hipersexualidad, etc. Aumenta, por tanto, el número de trastornos y aumenta también el campo semántico de muchos de ellos, como el famoso TDAH, ya que se permite el diagnóstico basado sólo en la presencia de síntomas, no requiriendo discapacidad y, además, se reduce a la mitad el número de síntomas requeridos para adultos. El diagnóstico de TDAH también se contempla en presencia de autismo, lo cual implicaría la creación de dos falsas epidemias e impulsaría el uso aumentado de estimulantes en una población especialmente vulnerable.
Si juntamos este manejo estadístico con la heterogeneidad temática de los grupos de trabajo, que se multiplican y que van desde la identidad de género, pasando por la adaptación de los impulsos, hipersexualidad, cambios de humor etc., no podemos obviar que las clasificaciones internacionales pretenden una autonomía total respecto de cualquier marco teórico, y por ende, libre de cualquier tipo de control de rigor epistémico. Sin embargo, no creemos que las clasificaciones y tratamientos puedan ser neutrales respecto a las teorías etiológicas, como se pretende, y al mismo tiempo ser neutrales respecto de la ideología del Control Social, e intereses extra clínicos.
Paul Feyerabend, en El mito de la ciencia y su papel en la sociedad, nos dice: «Básicamente, apenas si hay diferencia alguna entre el proceso que conduce a la enunciación de una nueva ley científica y el proceso que precede a una nueva ley en la sociedad». Parece ser, sigue diciendo este autor en Adiós a la razón, que: «El mundo en que vivimos es demasiado complejo para ser comprendido por teorías que obedecen a principios (generales) epistemológicos. Y los científicos, los políticos -cualquiera que intente comprender y/o influir en el mundo-, teniendo en cuenta esta situación, violan reglas universales, abusan de los conceptos elaborados, distorsionan el conocimiento ya obtenido y desbaratan constantemente el intento de imponer una ciencia en el sentido de nuestros epistemólogos».
Finalmente, queremos llamar la atención del peligro que supone para la clínica de las sintomatologías psíquicas, que los nuevos clínicos estén formateados, deliberadamente, en la ignorancia de la psicopatología clásica, pues, ésta responde a la dialéctica entre teoría y clínica, entre saber y realidad. Psicopatología clínica que ya no se enseña en nuestras facultades ni en los programas de formación de los MIR y PIR. Y sin embargo, se les alecciona en el paradigma de la indicación.... farmacológica: universalización prescriptiva para todos y para todo, y que en nada se diferencia de una máquina expendedora de etiquetas y reponedora de medicación. El resultado que denunciamos es un desconocimiento de los fundamentos de la psicopatología, un escotoma importante a la hora de explorar a los pacientes y, en consecuencia, una limitación más que considerable a la hora de diagnosticar.
En tanto que el conocimiento es la forma más ética que tenemos de acercarnos a nuestra plural realidad, no ha de ser un problema la coexistencia de diferentes saberes sobre la complejidad del ser humano.
Por todo ello proponemos llevar a cabo acciones con el objetivo de poner límite a todo este proceso incrementalista de las clasificaciones internacionales, y trabajar con criterios de clasificación que tengan una sólida base psicopatológica y, por tanto, que provengan exclusivamente de la clínica.
Barcelona, a 14 de Abril de 2011
PARA FIRMAR EL MANIFIESTO PULSAR AQUÍ.
AGRADECEREMOS LA MÁXIMA DIFUSIÓN DE ESTE PRIMER MANIFIESTO (al que seguirán otros de diferentes países).
Información y contacto: http://stopdsm.blogspot.com stopdsm@gmail.com
Los Grupos e Instituciones que deseen adherirse a la campaña, pueden enviar un correo a stopdsm@gmail.com
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Psychologie Clinique, n° 35 vient de paraître
Depuis plus de dix ans, les établissements recevant des enfants handicapés sont confrontés à deux ordres de faits Iégislatifs qui ont une influence sur l’institution de la nature et de l’organisation des soins. On fait référence à la réorganisation du secteur médico-social par la loi 2002-2 et à la prise en compte généralisée du handicap par la loi 2005. L’application de ces lois annoncées par la loi sur l’autisme comme handicap dès 1996 a une influence sur les pratiques de soins, notamment celles se réclamant de la psychanalyse. La problématique de ce numéro est centrée sur la possibilité de prodiguer des soins sur le versant psychique, d’organiser le travail institutionnel pour maintenir cette orientation sur les plans individuel et institutionnel, tout en respectant l’orientation législative. On lira ici des textes relatant théories, expériences et pratiques de gestion et de soins à ce propos, dans l’optique d’une diversification des orientations de travail rendue possible en évitant le morcellement des pratiques individuelles et en promouvant un travail pluridisciplinaire.
Avec les contributions de : Richard Abibon, Jean-Pierre Bernard, Fernando Bayro-Corrochano, Benoït Cesselin, Caroline Doucet, Olivier Douville, Jack Droulout, Michel Dumont, Séloua ElKhattabi, Tomasz Fetzki, Eve Gardien Jean-Luc Gaspard, Marcel Jaeger, Elizabeth Kaluaratchige, Christian Mercier. Roger Misès, Stéphanie Morgen, Laurent Ottavi, Catherine Pinson Guillaume, Christel Prado, Roger Salbreux, Robert Samacher, Jérémie Salvadero, Charles-Louis Trepsat, Charlotte Verger, Bruno Vincent, Claude Wacjman, Claire Zicot-Annino.
ISSN 1145-4882
ISBN 978-2-8425-41835
Prix au numéro: 25 €
Pour acheter et recevoir rapidement ce numéro chez vous : 25 € + 3€ de frais de port par chèque à l'ordre de Psychologie Clinique à adresser aux Editions EDK/Groupe EDP sciences - 17 avenue du Hoggar, PA de Courtabœuf - 91994 Les Ullis Cedex A France 22
Pour acheter et recevoir rapidement ce numéro chez vous : 25 € + 3€ de frais de port par chèque à l'ordre de Psychologie Clinique à adresser aux Editions EDK/Groupe EDP sciences - 17 avenue du Hoggar, PA de Courtabœuf - 91994 Les Ullis Cedex A France 22
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Sur les traces de "lalangue", LALANGUE et la psychose, exposé au cours du séminaire de B. Toboul
Sur les traces de "lalangue", LALANGUE et la psychose
Je suis intervenu sur le rapport de la schizophrénie et de la mélancolie à la pulsion vocale et à la trace sonore.
C'était lors du séminaire sur la notion de "lalangue" qu'anime mon ami Bernard Toboul
C'était lors du séminaire sur la notion de "lalangue" qu'anime mon ami Bernard Toboul
On écoutera en cliquant ici
Les commentaires sont bienvenus
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Décès d'Anne-Lise Stern, communiqué d' E. Roudinesco
Chers amis,
Nous apprenons avec tristesse que notre amie Anne-Lise Stern est morte le 6 mai 2013, date anniversaire de la naissance de Freud, dans sa quatre-vingt douzième année. Elle était née à Berlin le 16 juillet 1921 et elle fut prénommée ainsi par son père, Henri Stern, psychiatre freudien et marxiste convaincu qui émigra en France en 1933 puis fut analysé par René Laforgue. Il rejoindra les maquis à Albi puis entrera dans la Résistance. Nommé médecin aux Armées, il effectue ensuite plusieurs visites dans les camps d'extermination. A son retour, il rédigera un étonnant rapport sur le comportement des déportés face à leurs bourreaux.
Arrêtée dans le midi de la France au cours d'une rafle, Anne Lise est déportée à Auschwitz-Birkenau le 13 avril 1944. De là elle est envoyée à Bergen-Belsen puis à Theresienstadt, d'où elle sera libérée pour retourner à Paris le 2 juin 1945.
Analysée par Jacques Lacan, elle entre en 1953 dans l'équipe de Jenny Aubry qu'elle suivra en différents lieux : à la Policlinique du Boulevard Ney, puis à l'Hôpital des Enfants-Malades. Elle sera membre de l'Ecole freudienne de Paris, à la fois rebelle et profondément attachée à la tradition freudienne et à l'enseignement de Jacques Lacan. Entre 1969 et 1972, elle participe à l'expérience du Laboratoire de psychanalyse avec notamment Renaude Gosset et Pierre Alien. En ce lieu très original et sans attaches avec le savoir médical, furent accueillis des patients de toutes origines, quelles que soient leurs moyens financiers…
L'expérience de la déportation marquera tous ses textes et tous ses engagements dont on trouve la trace dans le Savoir-déporté. Camps, histoire, psychanalyse Seuil, 2004, collection "La librairie du XXI éme siècle. Précédé de "Une vie à l'oeuvre" par Nadine Fresco et Martine Leibovici…
Bien à vous
Elisabeth Roudinesco
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Réunion à L'Ecole Normale Supérieure autour du livre de V.Taquin "Un roman du réseau". le débat filmé
Samedi 2 mars 2013 à 16H
École normale supérieure, 45 rue d’Ulm, Paris 5
TABLE RONDE
Autour du livre de V. TAquin : "Un roman du réseau"
Cette table ronde réunit Véronique Taquin, Pierre Chartier, Olivier Douville et Laurent Loty, et sera ponctuée de lectures par Christine Goémé.
Je vous invite à visionner le film qu'en a tiré Laurent Loty en cliquant sur : http://lejeudetaquin.free.fr/Odds_rencontre_Ulm.htm
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LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE 10 mai 2013 Par Collectif des 39
LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
10 mai 2013
Par Collectif des 39
LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Il est des mots, des discours prononcés, des dérives, en face desquels le devoir d’une prise de parole exigeante s’impose.
Notre collectif composé de professionnels -psychiatres, infirmiers, éducateurs, psychologues, psychanalystes…- de patients et de familles, d’acteurs du monde de la culture, est né en 2008 en réaction aux prises de position de votre prédécesseur considérant les malades mentaux comme des êtres potentiellement dangereux. Il s’agissait d’utiliser un fait divers pour alimenter une idéologie politique « sécuritaire », en prenant la personne souffrante pour cible.
Cette position, éminemment stigmatisante a provoqué un émoi justifié parmi les citoyens de notre pays : 40 000 personnes signèrent alors un texte dénonçant vivement cet incroyable recul culturel.
Notre collectif composé de professionnels -psychiatres, infirmiers, éducateurs, psychologues, psychanalystes…- de patients et de familles, d’acteurs du monde de la culture, est né en 2008 en réaction aux prises de position de votre prédécesseur considérant les malades mentaux comme des êtres potentiellement dangereux. Il s’agissait d’utiliser un fait divers pour alimenter une idéologie politique « sécuritaire », en prenant la personne souffrante pour cible.
Cette position, éminemment stigmatisante a provoqué un émoi justifié parmi les citoyens de notre pays : 40 000 personnes signèrent alors un texte dénonçant vivement cet incroyable recul culturel.
Faire des malades mentaux un enjeu idéologique n’est hélas pas nouveau et la peur ou le rejet de la folie sont toujours présents dans nos sociétés. Or, seul un état républicain et démocratique permet d’accueillir les plus démunis d’entre nous et nous sommes fiers d’appartenir à un pays qui prône les valeurs d’égalité, de fraternité et de liberté.
C’est autour de ces acquis que s’est progressivement institué un exceptionnel système de soins solidaires permettant de réelles avancées. Un système qui nous a permis de nous confronter à la complexité inhérente à toute pratique relationnelle : comment éduquer, soigner, être soigné ou comment accueillir la souffrance de l’autre.
Cette complexité se nourrit de l’engagement, du doute, de la prise de risques. Elle exige des citoyens libres, créatifs, cultivés. La possibilité de penser est au cœur de ce processus. Une pensée ouverte et partagée, à la croisée des savoirs. Elle est alors porteuse des plus grands espoirs car elle laisse place à la singularité de chacun, à l’expression de la subjectivité et à la création collective. Elle demande une formation de haute exigence, une remise en question permanente, une appropriation par chacun et par le collectif, des projets de soin et d’accompagnements.
Mais hélas, depuis une vingtaine d’années, des méthodes évaluatives issues de l’industrie doivent être appliquées à toutes les professions qui traitent des rapports humains, s’opposant ainsi frontalement à notre histoire et à notre culture.
C’est autour de ces acquis que s’est progressivement institué un exceptionnel système de soins solidaires permettant de réelles avancées. Un système qui nous a permis de nous confronter à la complexité inhérente à toute pratique relationnelle : comment éduquer, soigner, être soigné ou comment accueillir la souffrance de l’autre.
Cette complexité se nourrit de l’engagement, du doute, de la prise de risques. Elle exige des citoyens libres, créatifs, cultivés. La possibilité de penser est au cœur de ce processus. Une pensée ouverte et partagée, à la croisée des savoirs. Elle est alors porteuse des plus grands espoirs car elle laisse place à la singularité de chacun, à l’expression de la subjectivité et à la création collective. Elle demande une formation de haute exigence, une remise en question permanente, une appropriation par chacun et par le collectif, des projets de soin et d’accompagnements.
Mais hélas, depuis une vingtaine d’années, des méthodes évaluatives issues de l’industrie doivent être appliquées à toutes les professions qui traitent des rapports humains, s’opposant ainsi frontalement à notre histoire et à notre culture.
Il a été décidé que nous devrions nous plier à des protocoles imposés par «des experts» bien souvent étrangers aux réalités plurielles de la pratique.
Monsieur le Président, pouvez-vous accepter l’embolisation de ces pratiques par des tâches administratives aussi stériles qu’ubuesques ? Croyez-vous qu’il soit possible de coter avec des petites croix la valeur d’une relation, d’un comportement, d’un sentiment ?
Monsieur le Président, pouvez-vous accepter l’embolisation de ces pratiques par des tâches administratives aussi stériles qu’ubuesques ? Croyez-vous qu’il soit possible de coter avec des petites croix la valeur d’une relation, d’un comportement, d’un sentiment ?
Pouvez-vous tolérer que l’on ait confisqué aux citoyens leur possibilité de construire les outils éthiques d’appréciation de leur travail, de leur façon de soigner, d’enseigner, d’éduquer, de faire de la recherche? De leur imposer des normes opposables et opposées à tout travail de créativité ?
Pouvez-vous cautionner la victoire de la hiérarchie qui écrase, de la bureaucratie qui règne, de la soumission imposée qui s’étend?
Enfin, élément le plus préoccupant, ces protocoles qui excluent la dimension relationnelle de la pratique prétendent s’appuyer sur des bases scientifiques, contestées au sein même de la communauté ! Comme s’il fallait s’exproprier du terrain de la rencontre à l’autre.
Pouvez-vous cautionner la victoire de la hiérarchie qui écrase, de la bureaucratie qui règne, de la soumission imposée qui s’étend?
Enfin, élément le plus préoccupant, ces protocoles qui excluent la dimension relationnelle de la pratique prétendent s’appuyer sur des bases scientifiques, contestées au sein même de la communauté ! Comme s’il fallait s’exproprier du terrain de la rencontre à l’autre.
Et ces directives s’imposent partout, dans tous les domaines, dans toutes les institutions : cela va des gestes répétitifs et codifiés des infirmiers, au SBAM (Sourire, Bonjour, Au revoir, Merci) pour les caissières en passant par l’interdit de converser avec les patients pour les « techniciens de surface ». Tous les personnels se voient contraints de donner de leur temps à cette bureaucratie chronophage.
Combien d’heures de travail abêtissant, perdu, gaspillé, activités en apparence inutiles, mais qui dans les faits, ont pour objet de nous entraîner dans des rituels de soumission sociale, indignes de la République à laquelle nous sommes attachés.
Comment pouvons-nous accepter cela, Monsieur le Président? Comment pouvez-vous l’accepter?
Le réductionnisme est à son apogée : tentative de nous réduire à une technique, à un geste, à une parole désincarnée, à une posture figée.
Nous tenons à nos valeurs fondatrices, celles qui font de nos pratiques, un art, oui, un art qui allie les connaissances, le savoir-faire et l’humanité accueillante des hommes qui construisent leur propre histoire.
Comment pouvons-nous accepter cela, Monsieur le Président? Comment pouvez-vous l’accepter?
Le réductionnisme est à son apogée : tentative de nous réduire à une technique, à un geste, à une parole désincarnée, à une posture figée.
Nous tenons à nos valeurs fondatrices, celles qui font de nos pratiques, un art, oui, un art qui allie les connaissances, le savoir-faire et l’humanité accueillante des hommes qui construisent leur propre histoire.
Ouverte à toutes les sciences humaines et médicales, la psychiatrie se doit de lutter en permanence contre cette tentation réductionniste des évaluations-certifications soutenues par la Haute Autorité de Santé (HAS) qui, sous l’impact de l’idéologie ou de puissants lobby financiers, tendent à anéantir l’extraordinaire potentiel soignant des relations subjectives entre les personnes.
Ainsi par exemple, à propos de l’autisme, de quel droit la HAS peut-elle affirmer que ce qui n’entre pas dans ses codes d’évaluation est non scientifique donc non valable, alors que des milliers de professionnels, loin des caricatures et des polémiques, travaillent en bonne intelligence avec les familles et des intervenants divers, que cela soit sur le plan éducatif, pédagogique ou thérapeutique ? De quel droit la HAS dénie t-elle la validité de pratiques reconnues, que des associations de patients, de soignants, de familles, défendent pourtant humblement ? Au nom de quels intérêts surtout, la HAS a-t -elle imposé une « recommandation » dont la revue Prescrire, reconnue pour son indépendance, vient tout récemment de démontrer les conditions totalement partiales et a-scientifiques de son élaboration ?
Comment enfin, lors de la parution du dernier plan Autisme, Madame Carlotti, Ministre aux personnes handicapées, ose t-elle menacer sans réserve aucune, les établissements qui ne se plieraient pas à la méthode préconisée par la HAS, de ne plus obtenir leur subvention de fonctionnement ? Comment un ministre de la République peut-il imposer aux professionnels et par voie de conséquence, aux parents et aux enfants, sans plus de précaution, de travailler comme elle l’ordonne ?
C’est une grande première, porte d’entrée à toutes les dérives futures.
Comment enfin, lors de la parution du dernier plan Autisme, Madame Carlotti, Ministre aux personnes handicapées, ose t-elle menacer sans réserve aucune, les établissements qui ne se plieraient pas à la méthode préconisée par la HAS, de ne plus obtenir leur subvention de fonctionnement ? Comment un ministre de la République peut-il imposer aux professionnels et par voie de conséquence, aux parents et aux enfants, sans plus de précaution, de travailler comme elle l’ordonne ?
C’est une grande première, porte d’entrée à toutes les dérives futures.
L’Histoire, la philosophie, les sciences en général nous le rappellent : l’être humain se construit dans le lien avec ses contemporains, son environnement, dans les échanges. Une alchimie complexe, unique à chaque fois, qu’une pluralité d’outils aident à penser. Quelque soit le handicap, l’âge, la maladie, les « troubles » comme on dit, de quel droit priver certains de cet accompagnement pluridimensionnel (et de tous les éclairages dont il se nourrit) ? Toute réponse univoque et protocolaire, qui dénie la singularité de chacun, est à cet égard indigne et au final stigmatisante.
Or, cette logique techniciste n’est-elle pas déjà en route dans les autres domaines du soin psychique ? Ce même principe d’uniformisation par voie d’« ordonnance modélisée » ne peut que s’étendre à d’autres catégories de troubles (cernés par le DSM, manuel diagnostique lui aussi éminemment contesté) : à quand une méthode systématisée puis dictée, pour « les dépressifs », pour « les bipolaires », « les schizophrènes », les troubles dus à la souffrance au travail » etc.?
Or, cette logique techniciste n’est-elle pas déjà en route dans les autres domaines du soin psychique ? Ce même principe d’uniformisation par voie d’« ordonnance modélisée » ne peut que s’étendre à d’autres catégories de troubles (cernés par le DSM, manuel diagnostique lui aussi éminemment contesté) : à quand une méthode systématisée puis dictée, pour « les dépressifs », pour « les bipolaires », « les schizophrènes », les troubles dus à la souffrance au travail » etc.?
Ne pensez-vous pas Monsieur le Président que cette pression inadmissible procède d’une idéologie normative, véritable fléau pour la capacité de débattre, d’élaborer des idées ?
Monsieur le président, entendez-vous qu’il s’agit d’une vaste entreprise d’assèchement du lien relationnel, de mise en route d’une inquiétante machine à broyer la pensée, d’un système qui risque d’amener toutes les parties concernées à l’indifférence et à la résignation?
Monsieur le Président, vous avez les pouvoirs, de la place qui est la vötre, d’agir immédiatement pour que soient remis en cause ces systèmes qui produisent les monstres bureaucratiques de protocolarisation présents dans tous les domaines de la vie publique, notamment en psychiatrie et dans le médico-social.
Monsieur le président, entendez-vous qu’il s’agit d’une vaste entreprise d’assèchement du lien relationnel, de mise en route d’une inquiétante machine à broyer la pensée, d’un système qui risque d’amener toutes les parties concernées à l’indifférence et à la résignation?
Monsieur le Président, vous avez les pouvoirs, de la place qui est la vötre, d’agir immédiatement pour que soient remis en cause ces systèmes qui produisent les monstres bureaucratiques de protocolarisation présents dans tous les domaines de la vie publique, notamment en psychiatrie et dans le médico-social.
Il est des mots, des discours prononcés, des dérives, en face desquels le devoir d’une action exigeante s’impose…
Monsieur le Président, nous vous demandons solennellement d’intervenir.
Permettez nous de garder l’espoir.
Permettez nous de garder l’espoir.
LE 8 MAI 2013
LE COLLECTIF DES 39 CONTRE LA NUIT SECURITAIRE
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Le nouveau Juke Box JAZZ,
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Il fait aussi chaud à Paris qu'à Belém... sur Douville's Jazz Radio en juin 2013
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Sur l'ethnopsychiatrie et son actualité
Psychanalyste, membre de l’Association française des anthropologues, Maître de conférences des Universités, directeur de publication de Psychologie Clinique Clinique, psychiatrie, psychanalyse et anthropologie Il me semble qu'il ne serait pas superflu de poser quelques points de repères historiques sur la question des rencontres entre la clinique psychiatrique et psychanalytique et l'anthropologie. En ce qui concerne maintenant la question de la psychanalyse, ses liens avec l'anthropologie sont à la fois précoces, foisonnants, confus, et dans l'ensemble, décevants. Il entrait dans le projet de Freud de dégager une autonomie de la psychanalyse par rapport à la psychopathologie. Il avait à cet égard une position stratégique pour promouvoir l'universalité de l'inconscient, idée sur laquelle bien sûr je reviendrai. La première consistait à faire une analogie entre le mécanisme de la création et un certain nombre de processus psychiques que révélait l'examen des névroses. La deuxième consistait à mettre en évidence que les logiques du symptôme observées chez les enfants, les anciens phobiques ou les obsessionnels, renvoyaient peut-être à une logique de production des faits culturels, dont les rituels, la mise en place des tabous, ou les totems. Le plus important sans doute est que le détour par une anthropologie qui était celle de l'époque, plurielle généreuse, et cherchant à renouveler ses méthodes d’observation et d’interprétations des faits sociaux a donné naissance au seul mythe moderne que nous connaissions de l'origine de l'humanité. Je désigne là le meurtre du père de la horde par les fils, et son ingestion cannibalique par les fils, lesquels, par ce repas, consomment et célèbrent de la Référence. Tout de suite après l'élaboration de Freud, il fut question de voir ce qu'elle valait sur le terrain. C'est là qu'entre en scène un personnage central, Marie Bonaparte, qui découvre la psychanalyse à la fin des années 20. Auparavant, elle avait écrit un certain nombre de choses, notamment un essai méconnu sur la guerre, où elle célèbre l'universalité de "l'âme des peuples". Enfin le monde serait composé de peuples qui auraient chacun une espèce de psychisme. La rencontre avec la psychanalyse lui fait céder sur ce point. C'est à ce moment que germent dans les esprits de Freud et de Marie Bonaparte, qu'il faudrait peut-être aller vérifier sur le terrain les intuitions déjà en germe dans les Minutes de la Société de Vienne et dans Totem et Tabou. L'idée est d'envoyer sur le terrain quelqu'un qui pourrait vérifier si oui ou il y a une universalité du complexe d'Oedipe. Marie Bonaparte finance alors l'expédition de Bronislaw Malinowski, et 3 ans plus tard celle de Geza Roheim, aux îles Trobriand. L'enjeu est de savoir sur les "complexes familiaux", comme dira Lacan, le complexe de castration, les symptômes, etc., sont à peu près les mêmes partout. Pour Malinowski, il n'y a pas à discuter, la réponse est claire, Freud a découvert une névrose occidentale, viennoise. Sur ce point, on peut être un peu sceptique; car à l'époque où Freud travaillait à Vienne, on y retrouvait différentes versions de la famille occidentale, aussi bien celles de l'aristocratie descendante, de la bourgeoisie montante, du petit peuple, que les familles agnatiques issues de la campagne et qui poussées par l'exode rural se pressaient dans le dénuement aux portes de la cité. Geza Roheim prend l'affaire par un autre plan. Il considère que si l'on veut observer l'universalité du complexe d'Oedipe, il ne suffit pas d'observer des systèmes de parenté, bref, des institutions, encore faut-il écouter comment les gens parlent, et comment l'inconscient se fait jour dans ce que les gens disent. Aussi bien et avec une certaine désinvolture, ignorant que selon les cultures on raconte plus ou moins volontiers ses rêves, il va provoquer les Trobriandais, hommes et femmes, enfants et adultes, à lui en faire part. Il en déduit qu'on trouve dans les rêves trobriandais et viennois à peu près les mêmes archétypes: la menace de castration, l'angoisse de castration, et les érotismes afférents à chaque stade, oral, anal, phallique, génital. Etiologie et nosologie d’ailleurs : que savons-nous ? On pourrait croire que la boucle est bouclée, en fait il n'en rien, et même, à la lumière des intérêts qui nous rassemblent, ce genre de controverse est d'un intérêt limité. Au fond, qu'est-ce que nous attendrions d'une anthropologie? Qu'elle nous renseigne sur la façon dont les différentes cultures se représentent la santé et la maladie, sur la caractérisation éventuelle d'un groupe de maladies comme "mentales", et finalement sur ce qui peut donner naissance à la psychiatrie. Qu'elle nous dise quelque chose, pas seulement sur les rituels thérapeutiques, mais sur l'étiologie et la nosologie. Qu'elle nous dise enfin le dernier mot sur ce qu'est "être fou", là-bas, dans le Lointain. C'est là où notre légitime attente ne peut être que déçue. Il se trouve qu'à part le travail de Roheim, l'héritage de l'anthropologie psychanalytique ne se tourne pas du tout dans la direction que j'évoquais, parce qu'aux Etats-Unis, elle est prise dans le goulot d'étranglement de la "psychologie du moi". Cette psychologie postule qu'il convient d'établir des types d'adaptation ou d'inadaptation. En d'autres termes, avec une psycho-anthropologue comme Ruth Benedikt, ce qu'il faut établir, ce sont des "traits de caractères" qui, dans certains groupes constitués, donneraient la clé des phénomènes. On en vient à distinguer de façon binaire des cultures violentes et des cultures non-violentes en faisant, comme c'est trop souvent le cas, fi de la dimension historique. Ainsi, les cultures réputées violentes vivaient à l'époque où elles étaient observées, une culture de la guerre, et les cultures réputées non-violentes, pratiquaient très souvent, encore à l'époque où elles étaient observées, une politique de l'armistice. Loin de toute préoccupation de dialogue avec la psychanalyse on va voir se dessiner deux grands courants dans l'anthropologie. D'une part, chez les Anglo-saxons, une anthropologie soucieuse, dans le sillage de Malinowski, d'observer comment fonctionne une société, ses institutions, la parenté, l'économie. D'autre part, surtout en France, suite à la très grande expédition de Dakar à Djibouti, à laquelle participe (heureusement!) Michel Leiris, une anthropologie qui se demande comment une société rêve ses origines, les commémore, les interprète dans des rituels, des cosmogonies, le tout raconté par des mythes, des contes, des parades, des processions, des sacrifices, par des portages de masques, par des danses. Leiris était la conscience de ce groupe, et bien sûr, il était trop cultivé pour en être le Surmoi. En fait, il plus que d'autres un intérêt à entrer en contact avec les guérisseurs, un intérêt spéculatif, amoureux comme il le raconte lui-même dans L'Afrique fantôme. C'est lui qui fait la part belle au "transfert du chercheur", pour dire les choses en termes un peu plus modernes. Le paradoxe est qu'il ouvre la première collection anthropologique chez Gallimard, et qu'il est reçu avec une volée de bois vert. Toujours est-il que pendant très longtemps, y compris avec Claude Lévi-Strauss, l'anthropologie sera soucieuse de chercher des invariants mythiques, des invariants de rituels, et cette anthropologie a peut-être loupé la question de la folie. Cette anthropologie est très peu en contact avec la psychanalyse, de Marcel Mauss à Lévi-Strauss, d'ailleurs. Il y a bien la fausse rencontre de Lacan et Lévi-Strauss, l'hommage appuyé et inutile de Lacan à son ami Lévi-Strauss lors de la première séance de son séminaire du 15 janvier 1964 à l'Ecole Normale Supérieure. Mais Lévi-Strauss ne reviendra plus au séminaire de Lacan. Or il y a bien un usage chez Mauss et Lévi-Strauss de la notion d'inconscient. Mais l'inconscient est pour eux, comme le disait dans un colloque récent le psychologue Le Ny, "ce qui n'est pas conscient"; ce n'est pas l'inconscient freudien. C'est un ensemble vide; il n'y a aucune spéculation sur les productions de l'inconscient. Certes, il y a un nombre invraisemblable de définitions de l'inconscient. Mais l'inconscient freudien s'en démarque parce qu'il attribue à l'inconscient des lois psychiques et des contenus. On se doute bien que si ce qui intéresse l'anthropologie anglo-saxonne, c'est ce qui "fonctionne", et une anthropologie, disons française, "les structures mythologiques", l'observation précise, concrète, du dysfonctionnement, de la folie, n'est pas à l'ordre du jour. Et pour le dire assez rapidement, si vous cherchez ce qu'il est en du fou dans l'oeuvre de Lévi-Strauss, le fou est celui qui révèle les failles d'un système, qui dit que le langage ne peut pas tout dire, que les structures de la parenté n'épuisent pas les désirs et les pulsions. Mais d'un autre côté, en ce qui concerne les structures de la folie, rien n'est dit, rien n'est avancé. Aucun disciple de Lévi-Strauss ne fait de recherches concernant l'anthropologie de la folie. Il est admis de façon générale qu'il se peut très bien que le fou amène par son délire la possibilité de varier, de colorer, un peu comme un interprète de jazz (de free jazz!) le canevas des mythologies communes. Mais puisque l'objet de l'étude structurale, c'est de dépouiller les mythologies de leur apparat local, et de tout ce qui les gonfle de la présence charnelle des locuteurs, évidemment, le fou n'est là qu'un enjolivement dont le statut méthodologique est nul. Il a donc fallu attendre Georges Devereux pour qu'il y ait une réelle interrogation avec les concepts freudiens, voire à l'abri des concepts freudiens, sur culture et folie. Georges Devereux et les ethnopsychiatries Gyorgo Dobo est né le 13 septembre 1908 à Lugós, en Transylvanie, d’un père avocat socialiste et d’une mère germanophile. En 1919, la région est rattachée à la Roumanie et il prend le prénom Gheorge. À dix-huit ans, refusant de servir dans l’armée roumaine, il part étudier avec Marie Curie et Jean Perrin. Il restera influencé par les théories de Heisenberg, Bohr et Cantor. Il écoute aussi Mauss, Rivet et Lévy-Bruhl, et noue une amitié avec le fils aîné de Thomas Mann, Klaus. En 1932, avec une bourse Rockefeller, il commence un terrain chez les Hopi et publie dans l’American Anthropologist. Il rencontre Lowie et Kroeber, qui dirigera sa thèse. Puis il passe dix-huit mois chez les Sedang Moï, au Vietnam. Cherchant à se protéger de l’abjection antisémite qui allait ravager l’Europe, il obtient en 1933 de changer son nom en Georges Devereux, ce que des biographes expéditifs ont interprété comme un déni de sa judéité. La situation de Devereux par rapport à son patronyme s’explique en raison du contexte de l’époque mais renvoie aussi à une façon douloureuse de vivre et de théoriser l’ « identité », tension que Devereux expliquera en 1967 dans un article révélateur : « La renonciation à l’identité : défense contre l’anéantissement ». L’impossibilité pour un étranger d’occuper un poste en France, le décide à émigrer aux États-unis, dont il prend la nationalité. Démobilisé de la US Navy, il retourne à Paris en 1946 prendre un poste au CNRS. Il se forme à la psychanalyse avec Schlumberger, mais repart aux États-Unis, à Topeka, au Winter General Hospital. Rattaché à la Menninger Clinic, c’était alors l’une des deux seules institutions américaines offrant à un non médecin une formation analytique. Devereux, de 1946 à 1953, y écouta des anciens combattants indiens souffrant de névrose traumatique. Psychothérapie d’un Indien des Plaines, son premier livre, en est le fruit. Il est analysé par Geza Róheim, puis plus longuement par Robert Hans Jokl. En 1959, il s’installe à New York. En 1962, Lévi-Strauss et Bastide lui offre de créer la chaire d’ethnopsychiatrie de la 6ème section de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (future EHESS). À partir de 1956 son enseignement prend le pas sur ses autres activités et il cesse d’exercer comme analyste. Il a dirigé 17 thèses dont celles de F. Laplantine et K. Harazallah. Devereux meurt en 1985. Ses cendres furent transférées dans la réserve Mohave de Parker au Colorado. L’œuvre est considérable : plus de 400 titres de 1927 à 1990. Sa théorisation des rapports entre psychisme et culture promeut une théorie universelle de la culture et formalise des critères de « normal » et d’« anormal » contre les errements du relativisme. Soucieux de modéliser les rapports entre approche clinique et anthropologique (ou sociologique) des symptômes, Devereux, dans son Ethnopsychanalyse complémentariste, invente une épistémologie dont on trouve les premiers linéaments dans « A Study of Abortion in Primitive Society » (1955). Le point de départ de ce principe explicatif (qui n’est jamais tenu pour une méthode d’observation) est que la psyché individuelle contient l’ensemble des items culturels épars dans la totalité des cultures. Il propose, à partir de cela, un schéma probabiliste d’émergence des contenus refoulés individuels et culturels. La courbe de Jordan et le théorème d’incomplétude de Heisenberg-Bohr sont les deux modèles qui lui permettent de mettre en équation psychologie et sociologie. Il introduit la notion de complémentarisme qui édicte l'autonomie conceptuelle absolue du discours sociologique (ou ethnologique) et du discours psychologique, mais aussi leur totale interdépendance en ce qu'ils se rapportent aux mêmes faits. La biologie fait pont entre les concepts des deux sciences humaines. Retrouvant la distinction entre la monographie scientifique et le journal de bord où se déposent les colères, les angoisses, les joies et les confidences, et faisant d’elle un cas particulier de la relation d’incomplétude, Devereux caractérise deux positions opposées de recherche: la passion classificatoire et objectivante, d’une part, et d’autre part, la reconnaissance de la pleine valeur de processus affectifs et irrationnels dans la recherche. D’où l’extrême sensibilité qu’il manifeste (et théorise) au « maniement du contre-transfert du chercheur » (1967). Georges Devereux a fait une théorie qui est à discuter, celle du contre-transfert du chercheur, et du passage "de l'angoisse à la méthode". Cette théorie s'est radicalisée par l'examen d'une proposition un peu abrupte, le "complémentarisme", en quoi Georges Devereux restait fidèle à la fois à sa rencontre avec le terrain, et à sa formation de physicien. Le complémentarisme est un mode de connaissance du fait observé quand ce fait relève de la sexualité, de la délinquance, etc. Georges Devereux avance que tout phénomène observé relève de deux types d'explications. Un premier, sociologique: il y a une institution chamanique. Il y a, plus encore, des façons particulières, propres à une culture, de tomber malade. La crise de destruction, comme la course du porteur de kriss, en Malaisie, qui suite à une vexation sexuelle prend son poignard à lame recourbée et va tuer tout ce qu'il trouve devant lui, était un modèle d'inconduite en forte recrudescence à l'époque de la colonisation hollandaise, au point que les hollandais avaient construit à l'angle des principales artères de ce qui est aujourd'hui Djakarta, des espèces d'abris anti-kriss, très solides, en paille tressée. Ce coureur de kriss ou d'amok a fait l'objet d'une description célèbre dans le roman de Stefan Zweig qui s'appelle justement Amok. Il y a donc des institutions. On ne tombe pas malade de la même façon selon les cultures. Mais en même temps, les raisons qui font qu'un homme tombe malade dans le cadre du modèle culturel ne sont absolument pas déductibles du modèle sociologique. Il faut un autre type d'explication. Pourquoi Untel va-t-il devenir chamane? Pourquoi Untel va-t-il devenir coureur de kriss? Pourquoi enfin Untel, soumis au rite d'initiation, va faire tout le contraire de ce qu'on lui dit? Chez les Yanaomis d'Amazonie, pourquoi tel garçon au lieu de prendre l'arc dans le rite d'initiation pour aller chasser avec les hommes, va prendre le panier et rester avec les femmes? Il y a à cela plusieurs raisons. Chez les Yanaomis, des raisons de "passivité homosexuelle devant le père", comme dit Georges Devereux avec la rudesse freudienne des premiers jours, et l'on trouve également de véritables fantasmes d'être femme et de pouvoir procréer, ce que Lacan plus tard a appelé le "pousse-à-la-femme". Je me résume: devant toute conduite aberrante, dit Georges Devereux, nous devons garder en tête la coexistence de deux explications: le sujet tombe malade de la façon dont la culture lui demande de tomber malade, mais ses motivations psychologiques ne se déduisent pas de ces formes de pathologies. Ce complémentarisme est donc fécond, puisqu'il refuse de résorber la clinique dans l'anthropologie ou la sociologie; mais il pose plus de questions qu'il n'en résout. Georges Devereux n'a jamais voulu, il l'a dit publiquement, il l'a dit aux jeunes étudiants qui étaient regroupés autour de lui, et dont je faisais partie à l'époque, à la fin des années 70, Georges Devereux n'a jamais voulu que l'ethnopsychiatrie soit le nom d'une psychiatrie réservée aux seuls migrants. Il n'a jamais été favorable à la mise en place de consultations spécialisées, ou le thérapeute occidental, sous prétexte de favoriser la communication transculturelle, singerait peu ou prou les guérisseurs ou les supposés guérisseurs traditionnels. Mais une fois rappelé ce qu'on occulte d'habitude, je voudrais vous dire pourquoi je pense qu'il a eu raison de ne pas vouloir que son héritage soit tordu dans la direction que j'évoquais. L'héritage de Georges Devereux a suscité en France et dans ses anciennes colonies quatre grands courants. Celui qui nous intéresse le plus se situe à Dakar, au moment où dans les années 70, un psychiatre, Collomb, décide de réfléchir culturellement à la maladie mentale. Il décide de faire venir un personnage éminent, Andreas Zempleni, puis les Ortigues, Martineau, Le Quérinel et d'autres. Il n'a jamais été question chez Collomb de favoriser la mise en place de thérapies traditionnelles à l'intérieur d'un hôpital. Pour lui, ce qui me semble être du pur bon sens, si les patients voulaient rencontrer des guérisseurs traditionnels, ils pouvaient le faire à l'extérieur. Il était plutôt question de travailler avec des thérapeutes traditionnels, de dialoguer avec eux, de les considérer comme des partenaires de travail, ce qui a été la plupart du temps une semi-réussite, ou si l'on est pessimiste, un semi-échec. Pourquoi? Parce que contrairement à ce qu'on pourrait croire, y compris avec Georges Devereux, les cultures ne sont pas stables. Le mot même de "culture traditionnelle, coutumière" peut faire sourire. Nous sommes nombreux à savoir que le recours à la thérapie traditionnelle est un phénomène historique récent; que le recours fréquent à l'idée de "possession" s'accompagne fréquemment d'une destruction des structures sociales, voire familiales. En d'autres termes, il est absolument erroné de penser que les sociétés dites "traditionnelles" soit stables. Aucune société n'échappe à la mondialisation ni à l'effet du marché. Et ce que nous prenons à tort pour le fond même de la tradition qui viendrait nous parler de la nuit des temps et du fond des âges, est souvent l'effet des contradictions économiques ou de la dilapidation des richesses. A Dakar, bien évidemment, en 1970, il en allait de même. Et la plupart des guérisseurs traditionnels se disaient absolument empêchés d'agir face aux nouveaux tableaux psychopathologiques que provoquait l'urbanisation massive: psychoses puerpérales, crises d'adolescence, etc.. je dois dire d'ailleurs que ce sont plus souvent les étudiants ethnopsychiatres qui s'imaginent pouvoir tout guérir que les guérisseurs traditionnels. Dakar… En revanche, à Dakar, on a inventé l'accompagnement thérapeutique d'un rituel, le n'dop. Sur ce rituel, je vous dirais juste ce que m'en a dit en décembre 1997 mon ami Omar N'diop qui s'était formé auprès de Tobie Nathan pour soigner les Ouolofs, les Sérères, les Lébous. Il a laissé au bout de trois semaines toute la quincaillerie ethnopsychiatrique: il n'était pas pris au sérieux par la population: "J'étais perçu comme venant avec des trucs de blanc". L'expérience de Dakar a donc donné naissance, c'est son second volet, à un des deux livres (et il n'y en a que deux!) auquel on peut donc se référer pour étudier la nosographie traditionnelle de la maladie mentale: le livre d'Andreas Zampleni sur les Sérères et les Lébous. Lors de la première expérience, on s'était aperçu qu'il y a effectivement une possibilité de dialogue entre les guérisseurs traditionnels (mais cette catégorie ne veut pas dire grand-chose) et la médecine occidentale (ou la philosophie occidentale, puisque Ortigues était plutôt philosophe), mais surtout pas pour traduire les nosologies. On avait aussi découvert que les propres institutions de guérison traditionnelles étaient débordées par la psychopathologie née de l'exil intérieur des habitants dans leur propre pays. Andreas Zempleni et Jacqueline Rabin, au-delà de cette première et très importante leçon, ont alors mis au jour une catégorie qui fait aujourd'hui florès dans certains cercles parisiens, "l'enfant-ancêtre". Mettons les points sur les i. Zempleni, un anthropologue, découvre qu'autour de certains enfants qui posent problème par leur mutisme, une étiologie traditionnelle est mobilisée. On dit: c'est l'esprit d'un mort, d'un ancêtre, qui revient. Zempleni est très prudent: c'est extrêmement rare. Car bien sûr, les familles n'avaient pas envie de s'encombrer d'ancêtres à tire-larigot et il fallait un certain nombre de consultations préalables avant de décider qu'un enfant était bien "l'enfant-ancêtre". Or, migrant en France, cette catégorie est devenue une machine à tout expliquer. Si on voit un enfant africain qui ne marche pas à l'école, on demande à la maman si on lui a dit quelque chose de particulier sur cet enfant. Que répond la mère, généralement? "Non!" Alors on pousse le bouchon: est-ce qu'on vous a dit des choses sur les grands-parents, les oncles, les tantes, à qui cet enfant pourrait ressembler? Et à force de secouer ainsi les représentations généalogiques, on finit par décrocher le gros lot. "Oui! On m'a dit qu'il ressemblait à tel oncle, etc." Je défie quiconque a travaillé en Afrique de dire pourquoi une parole aussi courante aurait la force de déclencher du trouble, du désarroi ou du symptôme. Dans Œdipe africain, de même, les Ortigues, de leur côté, parlent de sujets en rupture, dans l'entre-deux, et, en fait, d'adolescents. Or les adolescents, une catégorie anthropologique à part entière, sont ceux qui déstabilisent le plus les représentations coutumières de la culture, de la folie, de la parenté, et d'ailleurs, en ce moment même à Dakar, se trouvent être les plus grands consommateurs de n'dop. L’héritage de Devereux, au-delà des polémiques L'héritage de Georges Devereux, ainsi, lui a échappé. Devereux, je le rappelle, ne voulait pas que les consultations d'ethnopsychiatrie soient réservées aux migrants, et pour ce motif a consacré sa rupture (et ce n'était pas du tout un homme de rupture) avec ceux qui se réclamaient de lui dans ce but. Il ne voulait pas que sa pensée fasse du ghetto. Il y a donc une forme de dérive dans ce qu'on appelle aujourd'hui « consultations d'ethnopsychiatrie ». Mais il ne suffit pas de dire qu'on n'est pas d'accord. Elles posent un vrai problème et il s'agit d'un symptôme. Or on peut se réjouir d'un symptôme. Car elles nous interrogent sur ce qu'on a tenté de faire de la parole de ces hommes et de ces femmes qui ont tenté, à travers leurs souffrances et leur maladie quelque chose de leur cohérence symbolique. Le problème de ces "consultations d'ethnopsychiatrie", c'est celui de la pente vers des consultations chamaniques. L'ethnopsychiatrie n'existe plus, et si elle est vaporisée partout dans l'air qu'on respire, l'ethnopsychiatrie de Georges Devereux n'existe plus. Ce qui vient à sa place, c'est de la psychothérapie communautariste qui droit dur comme fer à l'identité culturelle. Le débat engagé n'est pas d'être pour ou contre l'ethnopsychiatrie, mais de savoir comment réagir à l'envahissement de psychothérapies d'allure chamanique dont l'ethnopsy n'est qu'un des avatars, certes un des plus préoccupants, mais pas le seul? Pourquoi? Parce que le chamane à la différence d'autres guérisseurs, prend sur lui la souffrance du sujet; il ne fait pas émerger du sujet. Il s'imbibe comme une éponge, il prend sur lui la substance même de la souffrance du sujet, exactement comme, en d'autres lieux, un groupe thérapeutique va prendre sur lui l'identité culturelle du sujet, voire la prescrire, voire la commander. L’apport de Balandier Ayant prétendu donner un éclairage historique, je voudrais poursuivre en disant que l'anthropologie dont nous serions les plus proches ne serait pas celle du débat Lacan-Lévi-Strauss, pas même celle du débat Devereux-Lévi-Strauss sur le chamanisme. Elle est née à la fin des années 50, à Brazzaville. C'est l'oeuvre de Georges Balandier avec Brazzaville noire et Afrique ambiguë, deux livres magnifiques. Balandier est le premier à se dire que les réalités auxquels l'anthropologue a affaire ne sont pas des réalités coutumières, mais des réalités liées à la situation coloniale. La résurgence des thèmes de maléfices, des cultures de suppléances au dysfonctionnement économique, de traitements funestes ou occultes de l'altérité sont liées entre elles à cet égard. Prenant je ne sais combien de longueur sur les anthropologues, y compris Georges Devereux et son idée d' « inconscient ethnique », Balandier affirme que l'ethnie est un concept imaginaire dont les anthropologues ont besoin pour halluciner de la société traditionnelle là où nous avons de la violence coloniale, et sa perpétuation par l'effet du marché. L'héritage de Balandier en France est passé sous silence, évidemment par les ethnopsychiatres, mais plus largement encore; ce qui me stupéfait, puisque Balandier, c'est ce qu'il y a de plus actuel en anthropologie politique. Le coup de balai conceptuel infligé à la notion d'ethnie est pourtant là, avec les conséquences que vous mesurez pour ce qui nous paraît, dans notre incommensurable naïveté, être le fond culturel et traditionnel de la personnalité (dans la violence des cultes de possession, par exemple). Comment dépasser le culturalisme ? Pour une clinique des effets de l’exil Les notions de double appartenance, de distance culturelle ou de double vulnérabilité semblent souvent tautologiques et laissent peu de chance à la prise en compte de la singularité de chaque cas. En effet, ces difficultés psychiques, ces symptômes renvoient toujours à des histoires singulières, qui sont elles-mêmes situées dans des histoires familiales. Et pour de nombreux migrants, les sites d’identité ne sont pas renfermés sur la terre d’origine des ancêtres, la présence des pays colonisateurs a énormément joué dans la mise en place de plus d’un système de repérage et de référence. Parallèlement à l’émancipation de l’ethnologie qui a pue à peu délaissée la notion d’ethnie, autrefois positivé comme le premier matériel de ses constructions, pour prendre en compte la modification des rapports sociaux, l’abord clinique et psychopathologique doit comprendre que nous avons le plus souvent affaire à des sujets qui sont des acteurs et des témoins de passages et de transitions historiques, politiques et culturels de première importance. S’y trouvent reconfigurés les modes de subjectivités dans leur rapports aux dispositifs de pouvoir et de légitimation, aux rapports de parenté aussi, et plus précisément, concernant, notre champ, ces personnes sont-elles souvent consommatrices de plusieurs systèmes de soin qui obéissent à de rationalités différentes, et elles ne s’attendent en rien à être ici, en France, au sein de nos institutions de droit commun, traités comme si elles étaient reçues par un guérisseur ou un mage villageois. Il faut encore noter que, sur place, plus d’une référence culturelle entre en jeu dans les identités. Il en est ainsi pour l’Afrique de l’Ouest, terre riche d’une pluriculturalité impressionnante : peu d’Africains vivent dans un univers étroitement monoethnique. Les alliances, les compagnonnages ou les mariages interethniques sont très fréquents, et de même sont fréquentes les migrations internes aux régions et sous-régions considérées. Bref c’est bien à une clinique de la complexité des identifications et de la rigueur des désaffiliations que nous devons inventer sans nous rabattre sur les fades commodités que délivre à l’envi toute clinique des identités et des appartenances, laquelle faute de constater le plein règne de ces dernières les réduit à des schémas de comportements qu’elle prescrit, comme si l’identité soignait ! Dans un premier temps de mon propos, j’insisterai à défendre l’héritage de l’ethnomédecine dans le sens suivant : esquisser un état des lieux des apports des travaux anthropologiques à la problématique médicale et culturelle de l’annonce de la maladie et des stratégies thérapeutiques que cette annonce implique. Puis je partirai d’une vue d’ensemble sur les contextes actuels pour nuancer l’usage qu’on est en droit de faire de tels apports lorsque nous sommes des cliniciens engagés dans l’écoute de la parole subjective, puis j’ouvrira quelques voies concernant la question de l’enfant migrant et de ces parents , ici. Je poserai ensuite ce qui me semble être les conditions du renouveau du dialogue entre anthropologie et clinique Apports actuels de l’anthropologie La santé s'offre comme une représentation plénière, uniquement renvoyant à elle-même, d'un corps d'assomption imaginaire, sans manque ni malaise dans l'identification, que le discours de la médecine confronte et un conjoint à un horizon de plénitude. La guérison est pris dans le sens pascalien d'un pari, en ce sens la guérison c'est de la croyance qui objecte à la saisie de cet autre figuration du corps : celle de la scorie, du partiel qui jamais n'aspire à sa synthèse apaisée, autre figuration du corps que le fantasme névrotique ligote au sujet. L'idéologie de ce pari de la guérison serait de forcer la retrouvaille avec un Originaire intact du corps (Hours, 2001). C'est une sacralisation profane, nécessaire sans doute, mais qui ne se dit pas, et à laquelle des réactions thérapeutiques dites "négatives" objectent non sans obstination ni fureur. Pourquoi celà ? C'est sans doute parce que la maladie, ce "mauvais état" avec cette perception particulière du corps qui détonne et qui tranche, est le moment où le corps se fait objet (objet de qui ? objet pour qui ? : telles sont les questions qui font tenir la demande de traitement qu'il soit scientifique ou sorcier ). Or certains cas maintenant nous sont connus de maladies qui surviennent après une perte, ou qui se déclenchent à certaines dates anniversaires. Le corps tombé malade peut venir, pour un sujet, à la place de l'objet perdu .La maladie est alors une condition pour le sujet de pouvoir à nouveau être divisé. A contrario l'écoute de patients mélancoliques nous enseigne sur ceci: il n'est de pire souffrance que le fait de ressentir l'absence de souffrance, rien n'affecte plus que de se savoir désaffecté. La maladie exacerbe la différence d'avec soi-même, en ce sens elle est refuge contre l'anesthésie mélancolique . Contrant le naufrage dans l'indifférencié elle est accent de sujet. Le " guérir" doit s'en trouver questionné. Je vais maintenant tenter un premier repérage. Dans la voie d'observation qu'elle a tracée l'ethnologie ne peut que déplacer la question du soin de la question du guérir. Elle n'élude pas la question qu'elle pose : à savoir comment la maladie repose -t-elle, à chaque fois, pour chaque société, la dimension de ses rapports avec la problématique du mal. Très tôt les ethnologues ont senti que les populations qu'ils étudiaient avaient leur conception propres de la santé et de la maladie, et que ces conceptions recoupaient largement, ou du moins étaient étroitement tributaires du système de représentations qu'ils se faisait du moi et de l'autre, on pourrait dire de l'identité et de l'altérité. Ces conceptions étaient très difficilement traduisibles et obéissaient à un principe de rigueur dont C. Lévi-Strauss donnera plus tard la description lorsqu'il parlera de "pensée sauvage". Les êtres individuels n'ont existence que dans la relation qui les unit les uns aux autres et les uns et les autres avec la référence : l'ancêtre l'originaire, le cosmos. L'individu n'est alors qu'une variable, un accident contingent dans l'entrecroisement d'un ensemble de relations (Douville, 2000). Pour la question de la maladie et de la guérison, cela comporte deux sortes de conséquences :
Ces deux conséquences en entraînent une troisième, qui est radicale : la guérison est d'abord restauration en acte d'un scénario cosmogonique, ou à tout le moins écologique, elle peut ne pas concerner très directement le mieux-être de la personne, ou sa santé. C'est que d'abord, une maladie ou une mort vont mettre en cause un certain nombre de relations sociales et seulement celles-là. Ce schéma, évidemment je le simplifie, renvoie à une double pluralité : il signifie l'ouverture essentielle de tout existence individuelle à d'autres existants, mais signe aussi une pluralité interne , souvent inconfortable. La santé, en milieu traditionnel est souvent associée à l'idée de stabilité. On connaît,à ce propos, les théories anciennes des humoristes, Hippocrate, Aristote, Théophraste ...; on n'ignore pas non plus les dualités Yin et Yang (médecine Taoïste), Chaud et Froid (pour la médecine populaire des Caraïbes, par exemple). Les différents fragments du corporel sont autant de déclinaisons d'une spatialité généreuse car faite de correspondances scrupuleuses entre les éléments internes et leurs traductions cosmiques. Chacune de ces parts peut ou doit être socialisée ou divinisée et, à la mesure de cette mise en exergue référentielle, visée par le mauvais désir , par l'atteinte de sorcellerie. Une telle constellation ne manque pas d'évoquer l'idée d'un morcellement. A ceci près que ce morcellement du corps est ici manifeste et désubjectivisé. Il convient de rappeler que cet mise en pluralité du corporel s'explique de ce que la ratio traditionnelle suppose un ensemble de mécanismes de dédoublement à la base de la constitution de la personne humaine. Toute personne correspond à une autre, dans la mesure où elle a toujours besoin d'un tiers médiateur entre elle et son double, tout comme entre le vivant et l'ancestral vient se glisser, en interstices célébrés, tout l'écho socialisé du rite. C'est banalité de dire que le modèle de la maladie est celui de la dénonciation d'un désordre. Mais il est exact d'affirmer que, à partir de la plainte de mal aller, plainte souvent construite par le groupe autour du malade, seront laborieusement dégagées les modalités d'expression d'une perturbation . Elle doit être réduite ou résorbée, au sein des systèmes de dette régulant et prescrivant les devoirs et les attentes qui se produisent d'une lignée à une autre, d'une génération à une autre et, plus profondément, ceux qui lient les vivants et l'ancestralité. On comprendra que l'intérêt anthropologique pour le sens qu'un individu et son collectif donnent à sa souffrance concerne de prime abord les modes de transférence d'une douleur singulière à un sens collectif. Cette transférance c'est la thérapeutique. La guérison d'un seul n'est pas son horizon. De plus, la démarche thérapeutique traditionnelle n'oriente pas son investigation vers une démarche diagnostique. La séquence expérimentale faite de la succession d'un diagnostic, d'un pronostic, d'une indication et d'un traitement est celle qui régit la rationalité du soin occidental depuis Cl. Bernard. A l'inverse, dans les thérapies traditionnelles, c'est à partir du traitement que l'on pourra prononcer une étiologie. Notes sur les contextes actuels Encore une remarque: en focalisant l'attention sur le terme de techniques de guérison, lorsque l'on parle de technique thérapeutique, l'on ne peut guère que positiver ensuite le cadre ainsi dégagé (Fassin, 1996 , Sabatier et Douville, 2002). Rappelons que la technique traditionnelle est, de façon on ne peut plus romanesque assimilée à un art familier de l'occulte, alors qu'il faudrait tout de même définir le registre où elle trouve habilitation et donc aussi où elle se légitime. Je vous l' ai dit, ce registre concerne moins le soin que l'échange, moins la guérison que la restauration de chaînes signifiantes manifestes, le soin étant obtenu en plus. Enfin, si l' on s'informe de la nature de la contrainte au soin, c'est évidemment pour nous apercevoir, in fine, qu'il n'est aucune dramaturgie de contrainte qui ne se supporte précisément de signifiants. le recours au terme de contrainte mène à l'effort de modéliser les liens tissés entre trois aspects de la contrainte symbolique, selon Cl Lévi-Strauss : contrainte à l'échange social, à la corporéïté et à la mise en parole. Il n'est guère d'exemple que la pression forte et nette à retrouver un rôle dans le jeu social ne se double, ni ne s'explique en dernier lieu, par ce qui supporte l'ensemble du systèmes des contraintes pour un sujet : la contrainte à exister dans les agencements des chaînes signifiantes. Où l'on rencontrera alors la question de l'angoisse, coincée entre l'imminence de la présence du désir de l'Autre, imminence médiatisée par cette contrainte, et la collusion du corps malade avec le registre de la Chose, de l'Originaire brut. L'on peut comprendre que l'angoisse va se déclarer plus particulièrement pour un individu quand se révèle empêché, difficile ou inconsistant un transfert de sens. Et c'est la dimension du moderne qui surgit ici. Au sein de notre modernité, pour des tableaux de maladie qui sont si peu en correspondances avec la mémoire culturelle des pathos du corporel (par exemple le Sida – Douville, Le Roy, Blondin-Diop, 1999 ), qu'est ce que guérir sinon travailler avec l'angoisse, sans en faire un parasite gênant, mais un des noms ou un des refuges du sujet. Bien évidemment, il ne s'agit pas de prôner un retour à la thérapeutique traditionnelle (Douville, 2003), mais plus d'amener à entendre une certaine histoire de la théorie et de la mise en acte du guérir, afin d'entendre que le symptôme n'est pas tant ce que subit le sujet que ce que produisant, il cherchera à transférer. On ne guérit pas le sujet du sujet, en tout cas on ne guérit pas du psychique ni de l'inconscient, ni de la pulsion de mort, car ce ne sont pas des maladies. Les dimensions du non-sens, de l'angoisse et de la fameuse réaction thérapeutique négative peuvent s'en trouver questionnées . Reste encore à préciser que l'usage si intempestif d'examens pour sanctionner et sanctionner encore une guérison, est souvent utilisé à leur insu par le médecin et par le malade comme une belle façon de prescrire une hypochondrie dirigée. Hypochondrie dirigée comme nouvelle norme du rapport de l'homme moderne à son corps ? Il est permis de le redouter. Ceci étant il n'en reste pas moins que l'important n'est pas tant de guérir que de pouvoir se remettre humblement du fait d'être guéri ou d'avoir été « guéri » . Une dernière précision. De nos jours, la lecture anthropologique de la maladie et de la guérison nous remet en mémoire le fait que la santé ne concerne pas uniquement le gestion du corps individuel. La guérison prendra , pour chacun et chez chacun, un sens individuel en rapport avec le narcissisme de chacun. La santé (terme qui est absent dans beaucoup de langues), en revanche, rapporte la guérison au corps social et au corps normalisé. Cela se constate de plus en plus, puisque la santé définit aussi un droit et un devoir. On le voit, parler de santé mentale, comme il se doit, c’est-à-dire en en faisant un objet complexe, à étudier aussi bien par la sociologie, l’anthropologie, la psychologie que par l’analyse critique des pratiques et des politiques de santé, nous met sous les yeux la réalité mouvante et fluctuante du rapport de chacun à sa santé. La centration actuelle sur l’usager, terme dont usent et abusent les administrations, réduit le système de santé à une forme contractuelle de prescription de service. On voit mal, comment les évolutions des dispositifs de santé, des institutions de soin, des modes de rencontre avec l’altérité et des modes de renforcement des communautarismes ne pourraient pas provoquer une évolution rapide des représentations du corps, du somatique, du psychosomatique, et de la relation de soin et de parole. Toutes les constructions sociales, politiques et culturelles de la “ santé ” et de la “ santé mentale ” sont donc liés aux contextes historiques, sociaux et économiques et elles reflètent ces contextes autant qu’elles en dépendent (Fassin, 1996, Hours, 2001, Sabatier et Douville, 2002). Pouvoir social et pouvoir subjectif sont, eux, en interférences continues. En fonction des modifications des liens collectifs et des ethos qui sont le signe de ces modifications, varient les formes du lien de soi à soi. Si la maladie était l’objet privilégié de l’anthropologie, la guérison question centrale à la psychologie et à la psychanalyse, la santé, elle, concerne les systèmes de santé où se rencontrent des logiques sociales et des logiques institutionnelles. Cela a pour conséquence que la maladie est de plus en plus perçue comme l’échec du système de santé. Ce qui annule progressivement sa valeur de message métaphysique, ou psychologique. La quête collective de la santé dans les pays riche provoque une évolution rapide des notions de malade, de mal, de corps et de santé. L’anthropologie après avoir pris comme objet de ses études la maladie et les représentations dont elle est l’objet, porte son regard sur les systèmes et les politiques de santé. La peur de la douleur est un signe de ce glissement. La santé devient une vertu. Au point qu’entre les populations les plus démunies et les plus exclues, où que ce soit, et qui sont privées de soins abordables, réguliers (Carreteiro 1993, Douville, 1999) et les surconsommateurs de neuroleptiques, d’antidépresseurs et de vitamines, un écart se creuse, de plus en plus flagrant. La responsabilité du prescripteur comme celle du malade, s’en trouve interrogée. Aujourd’hui : vers une clinique des exils et des désappartennces Revenons à la situation migratoire, plus générale ; un autre facteur, et non des moindres, qui rend compte des difficultés psychiques de l’adaptation, doit être pris en compte qui concerne les conditions d’accueil et de vie des populations immigrées et de leurs descendants, en France. Que ce soit pour des raisons qui sont à situer en amont (histoire singulière et structure de la personnalité) et en aval (condition de réception de cette histoire et de cette personne et de sa famille en terre d’exil) il est maintenant possible d’affirmer qu’aucun exil ne ressemble à un autre quant à sa signification psychique. La sociologie ou l'anthropologie peuvent décrire des communautés "minoritaires", et elles peuvent décrire les habitudes ou les tendances propres à telles ou telles communautés : le tableau ainsi dégagé, souvent touffu, est peu prédictif : il ne dit rien ou très peu des situations singulières, de la façon qu’a chacun d’interpréter sa place dans un collectif et de faire usage des matériaux culturels et des règles sociales mises à sa disposition. Soyons concrets : il est tout à fait légitime que les cliniciens et les praticiens de la santé se demandent si les formes de prise en charge qui semblent fonctionner pour des Occidentaux peuvent être généralisées à des sujets provenant d'autres cultures. N'est-ce pas imposer à ceux-ci un mode de rapport à la maladie ou à la mort qui fait inutilement violence et peut même se révéler tout à fait déplacé, pénalisant les patients si on ignore la façon dont leur culture permet de penser le symptôme, la maladie ou le soin ? Mais il est essentiel de rappeler que notre domaine d'action et de recherche se situe et se légitime ailleurs. Il nous faut envisager le phénomène dans sa complexité et savoir que les migrants et les exilés qui viennent ici consulter à l'hôpital général ou psychiatrique, le font parce que les symptômes ou les maladies qu'ils présentent n'ont que de lointains rapports avec ce que l'ethnomédecine [1] a pu établir des symptômes et des pathologies spécifiques à telle ou à telle communauté. Au demeurant, au pays d'origine même, les compatriotes de ces migrants sont pris dans l'histoire mondiale - c'est assez vrai depuis la première guerre mondiale et ça l'est encore plus depuis la seconde guerre et les diverses décolonisations, marquées pour certaines par des guerres (Algérie, Indochine), voire aussi des massacres (Madagascar). Les situations de pauvreté et de prolétarisation violentes que connaissent ces pays – en particulier pour l’Afrique de l’Ouest avec la dévaluation brutale de la monnaie, le franc CFA, mesure qui a aggravé la misère urbaine-, l'émergence de nouvelles cultures urbaines sont de si puissants facteurs de modification des liens familiaux et sociaux, des croyances et des façons de penser le malheur et le mal que là-bas aussi, ethnologues et cliniciens n'ont jamais affaire à un conflit culturellement "pur" ou typique. Jamais un clinicien, jamais un anthropologue ne pourraient aujourd’hui rencontrer un individu en tout point emblématique de son groupe d'appartenance. Cela est vrai a fortiori du rapport d'un sujet à sa souffrance psychique dans les pays où lui et/ou sa famille ont choisi de migrer, voire de s'établir. Aussi devons nous savoir que toute explication du psychopathologique par le sociologique ou par le culturalisme "loupe" nécessairement ce qu'il en est de la causalité psychique singulière à chacun. Derrière toutes ces questions que posent ces personnes qui nous renvoient notre propre étrangeté se profile la difficile articulation entre le sujet et le collectif, question fondamentale qui trouve tout un développement à travers le culturalisme. Et de façon plus large depuis l’époque des conquêtes coloniales où s’élabore une psychiatrie spécifique sur le modèle de la médecine découvrant des maladies exotiques et des façons indigènes de les soigner, dans sa “mission civilisatrice” . Cette psychiatrie coloniale a tenté, malgré quelques exceptions des plus estimables, de plaquer des modèles dans une visée “dite scientifique” , sans tenir compte des soubassements culturels de tel ou tel symptôme ou de telle ou telle conduite, mais réduisant au contraire le sujet aux formes culturelles de son symptôme. Toute idée de la culture comme une culture achevée finie et sise hors histoire est à récuser. Il n' y a pas d'individu monoculturel.. Toute pensée estimant que quitter sa "culture" de base rend fatalement malade est une théorie malade qui méconnaît la vigueur civilisatrice des exils dans l'histoire humaine. Il paraît donc nécessaire d'examiner à présent les principales sources de confusions idéologiques qui nous empêchent de formuler convenablement une théorie des effets cliniques de l'exil. Ainsi le "culturalisme", soit le recours à une explication de type causalité culturelle au détriment de la saisie de la causalité psychique. Cette conception s'appuie sur une idée fausse qui voudrait que culture et psychisme soient en correspondance exacte. La situation de certaines personnes en exil nécessite un travail de remaniement psychique leur permettant de dépasser un clivage, entre une origine tenue pour perdue ou trahie et un lieu de vie rendu opaque ou potentiellement menaçant. Le travail de psychothérapie échoue le plus souvent lorsqu'il vient renforcer ce clivage, en ne donnant à entendre à un immigré et à ses enfants que leur appartenance à une origine univoque, c'est à dire celle de la terre natale. A contrario, le travail clinique, se fait dès que le psychologue clinicien renonce à suggérer le jadis et l'ailleurs comme le lieu même où l'identité du sujet s'accomplit - ce qui est une illusion dangereuse - et qu'il se centre sur l'histoire singulière du sujet et de sa famille, sur le sens de son déplacement, sur ce qu'il adopte du pays de résidence pour constituer son identité , ses espoirs, ses valeurs, mais aussi ses symptômes. Ce travail clinique peut alors aider le sujet à assumer le sens de sa propre histoire et des histoires d'exil qui se sont peut-être jouées dans l'histoire concrète de sa famille. Chez les enfants et les adolescents dont il est question ici, sujets subissant des effets de déplacement, la question du site où s'inscrire et où penser son être devient une cause de détresse, tant cette question est envahissante et sans réponse plausible. Des enfants sans ici ni là semblent moins incarner ce fameux "entre-deux" qu'être véritablement dans un "nulle part" psychique et géographique. Cette situation peut entraîner des manifestations symptomatiques: se fixer à une type de souffrance, se fixer à un produit toxique, ou encore mettre en échec les opérations d'apprentissage. Ces symptômes seront examinés ultérieurement. Bien sûr, il faut raisonner avec prudence et respecter une démarche méthodique. Toute "pseudo-compréhension" des troubles des enfants migrants en partant d'un a priori massif qui, édictant une distance culturelle plus ou moins grande entre la dite culture d'origine et la dite culture d'accueil, en déduirait des difficultés d'adaptation proportionnelles à mesure que cette distance irait croissante, est à bannir. Le psychisme de l'enfant se construit à partir d'un matériel bien plus subtil que la "culture" en tant quelle. Ce matériel est fait d'emboîtements et d'articulations entre la culture, le social et le familial. De l'élaboration des théories sexuelles infantiles jusqu'à celle de son "mythe individuel de névrosé" [2] chaque sujet passe par la construction de romans familiaux, où la vision de sa vie est nourrie des savoirs et des énigmes propres aux deux lignées dont il est issu. La trame généalogique d'une vie compte au moins trois générations. C'est pourquoi parler "de seconde génération" semble, à la vérité, une terminologie des plus malencontreuses. Outre qu'elle met seulement en miroir deux générations alors qu'il faut trois générations pour donner corps à une transmission, c'est à dire à une retrouvaille et à une réinterprétation de l'héritage culturel et l'héritage familial, cette expression de "seconde génération" enferme le sujet au sein de son cercle domestique immédiat, ce qui accentue la clivage désastreux migrants/autochtones. Enfin, il est patent que les expériences d'exil et de déplacement font vivre au plus grand nombre de ceux qui les traversent le fait que tout humain doit aussi garder un peu d'amour et un peu de capacités à faire lien pour autre chose que son immédiat horizon ou que son immédiate origine, c'est à dire au moins un peu d'intérêt, sinon un peu d'amour pour d'autres filiations. Ceci devrait interdire toute approche péjorative ou paternaliste de l'étranger, et devrait aussi permettre de dédramatiser des situations de malentendus. C'est là le point éthique de l'exil. Aucune démarche clinique avec des exilés et leurs enfant n'est possible si elle méconnaît ce point. L'écoute du sujet migrant et de ses enfants implique un choix : soit une référence à une étrangeté née du renvoi du sujet vers sa supposée appartenance close à une culture étrangère, avec comme conséquence que le thérapeute doive contrefaire un tradi-praticiens (ou thérapeute "traditionnel": guérisseur, chaman ...) ; soit une écoute interculturelle où la distinction entre code culturel et structure du sujet est posée d'abord. Opter pour ce second choix permet de comprendre comment les enfants et adolescents issus de la migration "inventent" leur bien-être et leur "mal-être, leurs sublimations, adaptations et symptômes avec des éléments d' "entre-deux" (entre-deux langues, entre deux sites), et également comment ils mettent en récit au singulier, les trajets d'exil qui les précèdent. Ecouter, interpréter : statuts respectifs du clinicien et de l’anthropologue À partir de ce moment là se pose aussi la question des logiques et des conditions de l'interprétation de ce qui est produit dans cette rencontre. Il faut sortir de la naïveté, il faut se rendre compte qu'un entretien entre un sujet en souffrance et un clinicien c'est un évènement. C'est l'évènement qu'il convient d'interpréter pour comprendre le discours. Il en est au moins autant de même avec des entretiens qui ont comme effet sinon comme objectif de non seulement de récolter des informations, mais de produire du changement. Nous touchons là à un point de recoupement avec les démarches cliniques, dès lors qu'au plus près du terrain, nous tenons aussi à une épistémologie qui s'attache aux conditions de production du matériel et aux divers dispositifs. C'est aussi la raison d'être de la clinique de s'interroger sur les dispositifs et les liens entre dispositifs et discours. Un travail épistémologique sur les conditions de production des discours et des paroles pourrait donc constituer un lieu possible de rencontre entre cliniciens et anthropologues, bien plus ouvert que celui dont se réclame les ténors de l’ethnopsychiatrie, discipline qui n’a jamais réellement dialoguée avec l’anthropologie . S'introduit ici le renouvellement très récent et tout à fait actuel du registre anthropologique. Il est de fait que des écrits qui font effet de relance dans les débats anthropologiques tous ultérieurs au déclin des modélisations structuralistes, et chacun à leur façon le consommant, repensent une articulation entre corps et origine. Si les anthropologues qui ont le plus marqué ce siècle -parmi eux E. Leach, M. Douglas et C. Lévi-Strauss- affirment que le corps et les pulsions ne sont pas des données fondamentale pour la construction de la culture et de la structure sociale, le nouveau rapport à la psychanalyse que manifestent positivement quelques anthropologues revient à reconnaître à la sexualité et à l'agression leur signification humaine et sociale. De même pour certains psychanalystes l'existence du psychisme et de l'éthique dans les sociétés dites "traditionnelles" est enfin reconnue. À une causalité psychique tribale ou ethnique fait place l'idée d'une singularité de la causalité psychique où que vive l'humain De son côté l'anthropologie des mondes contemporains prend acte de ce que de nos jours, les facteurs anthropologiques et sociologiques ont changé. Les structures anthropologiques des généalogies ont été bouleversées, les lois de l'échange semblent de plus en plus s'abstraire -le don s'autonomisant par rapport à l'échange prend un tour sacrificiel, bref, la valeur immédiate qu'a l'acte posé ou la parole prononcée est de plus en plus floue pour des sujets et/ou leurs collectifs. Toutes les questions de la "construction de son monde par l'humain" sont ainsi réexaminées. D'une certaine manière la pensée même de la généalogie s'est déplacée, dans la modernité. C'est que la généalogie est moins recherche de l'origine que dialogue avec l'origine. Elle s'adresse non point tant à l'origine comme case départ, point absolu du commencement et de l'engendrement qu'à l'origine comme fiction et projet, équivocité salutaire. Du fait du refoulement de l'originaire, et de l'acte originaire (soit dans le "mythe scientifique" freudien : le parricide du Père de la horde), le point de départ de l'identité est un lieu vide de représentations, le sujet étant amené à relancer une certitude sur ce à quoi ressemble son être en produisant des traces, des actes de pensée. C'est, autrement dit le rapport à l'insu de l'origine qui est le progrès de l'œuvre de la civilisation dans la vie de l'esprit. Les récits identitaires, causals sont les traces, les traits écrits sur cet insu. Est perdue la coïncidence de soi à soi, coïncidence qui n'aura jamais existé. Dans les mondes contemporains, la fabrication comme la transmission de ces récits est rendue tributaire des violences et des heurts de culture. Si aucune homogénéité disciplinaire n’est à désirer ou à prétendre pour l’anthropologie et la psychanalyse, en revanche, il est possible de considérer que les dynamiques de méthode et la centration sur les processus de changements dans les discours et les mentalités, propre à l’anthropologie du contemporain, font de ces derniers des interlocuteurs indispensables aux cliniciens La transposition non critiquée d’une anthropologie populaire qui réduit la culture à de la psyché ou de la technique est, nous le mesurons ici, le piège réductionniste dans lequel se fourvoie la clinique. Ce piège, par ailleurs fort objet d’une demande sociale est ce à quoi contrevient l’Anthropologie du contemporain qui tient, dans la suite des innovations dues à G. Balandier et suivies par Althabe, à situer le sujet sur lequel elle travaille, comme étant ce sujet non substantiel, mais aux prises avec l’histoire et l’ensemble des violences politiques qui ont marqué les strates narratives et affectives de son rapport à l’identité et à l’altérité. La clinique alerte sur ces moments de décomposition/recomposition des montages identitaires. Les secousses que connaissent les protocoles usuels de fabriques et de montages des identités sont considérables. Elles mettent à la casse dans des usages parodiques, destructeurs ou auto-fondateurs, dans des inflations sacrificielles dans des errances, le rapport dogmatique de la vérité et de l'identité. Et c'est en effet une autre conséquence aussi des nouveaux passages entre anthropologie et psychanalyse, que de ramener la question du lien social d'une façon qui peut, de nouveau, avoir un sens par rapport à la clinique. Les actuelles pathologies de l’identité lorsque un sujet est réduit à de la coupure dessinent bien le visage de se sujet destitué sur lequel cliniciens et anthropologues ont sans doute à dire, sans omettre de préconisation. L’urgence d’un tel dialogue éloigne de toute fausse connivence dans la coopération attendue de ces deux disciplines. Elle pourrait aussi éloigner des tentations culturalistes ou de cette façon un peu trop impérieuse de se réclamer d’un traitement tout “ psychothérapeutique ” hyper technicisé des béances subjectives contemporaines Références : Carreteiro, T.C : Exclusion sociale et construction de l'identité. Paris, L'Harmattan, Collection "santé, sociétés et cultures", 1993 Devereux G. : Reality and Dream : The Psychotherapy of a Plains Indian. New-York, 2ème éd. augm., New-York, 1969. Trad. franç. Psychothérapie d’un Indien des plaines : réalité et rêve, 1998, Paris. 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Douville, O. : "Notes d'un clinicien sur les incidences subjectives de la grande précarité " Psychologie Clinique nvll. série, 7, printemps 1999: 57--68 Douville, O. : « Clinique et anthropologie : quelles articulations ? » L'Homme et la Société. Revue Internationale de recherches et de synthèses en sciences sociales, n° 138, 2000/4 : 35-54 Douville O. : « Notes sur quelques apports de l’anthropologie dans le champ de la clinique “ interculturelle ” » .L'Évolution Psychiatrique, 200, Volume 65, n°4 : 741-761 Douville, O. : « Résister à l’ethnicisation des souffrance psychiques », Migrations-Santé, 115/116, 2003 : 211-226 Douville O. (sous la dir. de) Clinique psychanalytique de l’exclusion, Paris, Duod, 2012 Douville, O. , Le Roy , J, Blondin-Diop, A. : « À propos de parcours de soin de patients africains séropositifs en France » Cliniques Méditerranéennes, 59/60, 1999 : 85-102 Fassin D. L’espace politique de la santé, Paris, PUF, 1996 Hours, B. : Systèmes et politiques de santé. De la santé publique à l’anthropologie, Karthala, Médecines du monde, (B. Hours éd.), 2001 Sabatier, C. , Douville, O. : Cultures, insertions et santé (sous la dir. de C. Sabatier et O. Douville), Paris, L’Harmattan, collection « Espaces interculturels », 2002 [1] ethnomédecine : branche de l'ethnologie qui étudie les théories et les systèmes des médecines dites "traditionnelles". [2] L'expression est de J. Lacan. C'est à l'anthropologie structurale qu'est emprunté le concept de mythe et à Freud bien sûr qu'est empruntée la question du roman familial des névrosés, par une lecture fidèle du texte de Freud de 1909 "le roman familial des névrosés". Voyons maintenant comment ce mythe fonctionne. Le névrosé (à entendre comme la névrose fondatrice), c'est-à-dire le névrosé oedipien, rejoue la nécessité d'articuler une loi symbolique de l'échange, une loi symbolique de la reconnaissance, une loi symbolique de la paternité. Pour Lacan, qui, en cela, suit très fidèlement les conceptions de Lévi-Strauss, les lois symboliques de l'échange, de la reconnaissance et de la paternité sont les lois symboliques de la parole, elles ont la vertu de fonder le rapport à l'altérité. |
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